Au chemin

Oeuvre de Ron Hicks - Love on the Road

Oeuvre de Ron Hicks – Love on the Road

Au chemin tes pieds s’enfoncent,

Mon Amour sur tes mots cendrés,

Au clair de Lune d’une pierre ponce,

Chairs de sang, tes cris sont nacrés !

Frappent le marbre de mes portes,

Froid du regard Le Judas exhorte

A te couvrir le visage des pelures

De vers sur le sol ankylosé et dur !

Les vies se croisent sur des océans,

Chance d’accoster ou de périr séance

Tenante à l’abordage du cormoran

De l’augure, à chacun sa danse !

© Max-Louis MARCETTEAU

J’attends ?

 

Je passe mon temps à attendre. L’attente immobile, l’attente qui n’est pas mon oncle diront certains. L’attente qui n’est pas du camping est un sarcophage. Et ce dernier ne fait pas partie de la famille des macrophages. Non. Ni d’un pseudo président qui se transformerait aux jours de pleine Lune en un loup garou pour termites égarés, ni chômeurs, d’ailleurs. Quoi que…

Ce n’est rien d’attendre. Ce qui est difficile c’est d’être opérationnel au moment où l’action pointera le bout de son nez. Et pas frileux, ce nez. En plein dans le pif, l’action en question. Et là, il faudra assurer. Et pas question d’être le dernier des derniers pour faire bonne figure. Pas de pifomètre. Non. De la tenue, de l’audace sans piment. Du tact, de la diplomatie, et le cœur avec soupape de sécurité s’il vous plaît. C’est pas le moment de taper un infarctus entre deux mots échappés d’une voix d’outre-tombe.

En vérité, et je reviens sur ce que je viens d’énoncer, attendre est un calvaire. Un seul ? Non. Une succession de calvaires. Une plaie, pour chaque jour. Et pas d’urgentiste pour colmater ce sang d’espoir hémorragique qui n’a pas de plaquettes pour réparer. Le miracle est que l’espoir est toujours vivant. Les années passent et je suis devenu un écorché vif. En coupe, en travers, de face, de dos, bref la totale. Pas beau à voir. L’humain est solide tout de même. Il supporte l’insupportable. Cet instinct de survie, une extraordinaire invention du vivant. Mais que de souffrances !

J’attends. Comme si j’étais seul à attendre. Et elle, elle attend ? Pas sûre. Sans attente pas de manque. Pas de manque pas d’angoisse. Pas d’angoisse, pas de médicament. Pas de médicament, pas de problème. Pas de problème, pas de vie ?

Je suis mort ?

© Max-Louis MARCETTEAU

Cécile

Photographie Christian Tagliavini

Photographie Christian Tagliavini

Te souviens-tu de ce refuge ? Ce livre ?

D’hier il était ton amant, d’aujourd’hui

Il revient dans tes mains et tu t’appuies

D’un regard attentionné et te délivre !

Qu’est-ce qui retient ton regard, Cécile ?

Ce mot d’un amant rencontré en Sicile ?

Cette phrase lapidaire de ta mère Lucile ?

Ce chapitre d’une part de vie difficile ?

Souris ! Ta tristesse est une lame de fond,

Tes lèvres une vague qui roidit ton visage,

Ta lecture est ton autre destin, tourne la page,

Tu es ce livre, et ton miroir, retrouve ton nom !

 

©Max-Louis MARCETTEAU

Interconnexions…

— Dormir

— Dormir ?

— Rêver de toi.

— De moi ?

— Oui.

— Suis-je à ce point transparente ?

— Je te voudrais autrement.

— Autrement… différente ?

— Singulière.

— Une femme n’est-elle pas par essence singulière ?

— Elle est femme. La singularité n’est pas une appartenance à un genre, mais à l’individu.

— Ma vie n’est pas ma vie. Vie d’une autre moi-même en permanence ou presque. Je traverse des parcelles de réalité au gré des rencontres et puis à ces instants éphémères, je me retranche dans ce corps inconnu qui est mien, en apparence. Je me vide, puis, je suis dans une bulle, rien ne me touche. Je suis spectatrice ou voyeuse selon le bon vouloir de la nuance. Je reste de marbre, si ce n’est de glace. Pas de réchauffement climatique pour moi. Je me laisse emporter par le mouvement. Passagère involontaire, je subis ce ELLE, de sa navigation à vue, de son accostage sur le premier port venu. ELLE s’enracine et puis, ELLE coupe les principaux accès. ELLE meurt et nous reprenons la mer. Insaisissable par la pensée et pourtant ferrée à la première occasion, l’on croit LA posséder, ELLE glisse comme une anguille. Perméable à tout et imperméable à ce monde du vivant, ma vie est un filigrane sur une page d’un destin qui s’efforce de me faire vivre une route qui n’est pas mienne.

— Demain est un autre jour. Dans mon coin, j’ouvre les portes d’hier pour creuser les autres vies écrites sur du papier dont les ans ne prennent pas une ride. J’accuse SES années de m’avoir inhibé, ignoré, voire méprisé ! Dans ma coquille, je nacre des rancunes, mais qui suis-je pour porter atteinte à IL ? Alors, JE rêve, et IL passe ses heures entre le néant et le vide que certains ont essayé de combler. Peines perdues : IL formate à la première occasion venue. Je ne retiens rien. Mes cellules souvenirs sont vierges. J’apprends inlassablement à être. Celui qui vient d’ailleurs pour aller ici. Mais ailleurs et ici pour moi sont identiques. Tout passage à l’acte est un rêve. Je plonge dans le virtuel à chaque mouvement. Aucune blessure, aucun mot ne retiennent ce corps, cette âme, qui traversent les années comme une particule quantique. Échec à toute communication durable, seul l’instantané compte. Mémoire vive, toute procédure de marquage est sans effet. Je suis comme le sable, je prends la forme de l’instant et modifie mon apparence à l’empreinte suivante. Construction impossible.

— Je végète comme un oignon en terre depuis trop longtemps et rien ne viendra me sortir de cette argile, mon tombeau. Demain ne sera pas pour moi. Souris-moi Mon Amour, je me suis trompée de route.

— 

Tu dors ? 

©Max-Louis MARCETTEAU

La vie dans un entonnoir.

Oeuvre de Alexander Shubin

Oeuvre de Alexander Shubin

          La vie dans un entonnoir, les mots surnagent… muets.

— Demain probable !

— N ’empêche que… !

          (long silence)

— La vie…

— … Un jeu de quilles.

— Quille, brisée, j’en perds l’équilibre… à en perdre la boule.

— Boule de billard ! Attention au jeu du chirurgien en quête de sauver.

— Sauver ? Toute vie finit par un linceul. A table les vers !

— Vert l’habit du bistouri au noir scalpel, il n’y a qu’un fil.

— Fil du souffle coupé, les fibres sont froides.

— Fibres de tes lèvres.

— Lèvres du désir morbide, le vent automne les grouillements des vers.

— Vers sur le pied de l’appétit, le terreau est bientôt prêt.

— Tiens-moi la main, les derniers os viennent de prendre le large.

— Large est la croix des souffrances qui contient des rancœurs.

— Rancœurs d’hier comme neige, gèle le présent, l’avenir.

— Avenir, tu prends les premiers récifs aux premiers mots.

— Mots, tu mords à l’éclosion du premier souffle. Ne crie plus, l’orage arrive.

— Adviendra la pluie et son tambour. La peur s’éclaire. Viens, ne restons pas sous cet arbre de mort.

— Mort, comme une renaissance. Je l’attends, nous l’attendons. Jamais nous ne serons séparés.

— Séparation : quel est ce mot, Mon Amour ?

©Max-Louis MARCETTEAU