Croisement

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Croisement

“Rien ne va plus, les jeux sont faits” et pour l’autruche aussi qui vient de percuter mon pare-chocs. J’ai tout perdu au jeu, même la montre offerte par mon frère disparu, tant aimé. Je crois que je vais vomir mon repas tagliatelle. Mais bon, je suis fait de ce bois dur de l’alpha que l’oméga ne pourra pourrir.

Je m’arrête et vois les dégâts. Pas beau à voir. La plume du rachis à l’étendard fait un drôle de jus, la chair broyée, pétrie, rompue, pilée, écrasée, et du sang d’un foncé carmin… Bon appétit. Je crois que je vais vomir mon repas tagliatelle.

Combien de témoins ? Je ne sais pas. La route est peu fréquentée par ici. Et pourtant, une femme se présente : Madame Bovary. Je ricane. Je lui fais répéter. Elle me dit à voir vu la totalité de la scène. L’autruche est dans son tort. Elle me le confirme. Pourtant je me demande si son taux d’alcool est raisonnable.

— Vous n’aurez pas de besoin de maquiller l’accident. Mon témoignage est de grande valeur.

Puis, elle fait quelques pas en arrière. Ouvre son sac et en sort un carte de la région. Elle l’étale sur le goudron.

— Venez voir. J’habite ici. Vous pouvez venir me voir, si cela ne vous fait pas peur.

Elle sourit. Un sourire vraiment édenté. Je crois que je vais vomir mon repas tagliatelle. Elle devrait carrément se faire coudre la bouche. Je réponds que je n’ai pas le temps et que je vais ramasser les restes de cette volaille et passer à la pharmacie pour prendre un antiémétique.

Elle m’écrit sur un morceau de papier son numéro de téléphone. Elle me sourit une nouvelle fois. J’évite son regard. Et me pose la question si vraiment, elle n’est pas en état d’ivresse.

Je fais peut-être mon ringard, sans un merci. Je la vois partir. Sa voiture n’est pas en état de rouler, non plus, apparemment. Je dégage le reste de la bête à grands coups de pied. Le bord de fossé fera très bien une belle fosse.

Je remonte dans ma voiture et je vomis, un tout indescriptible surtout une tagliatelle devenue innommable. Et je souris, de mon sourire… édenté.

© Max-Louis MARCETTEAU 2018

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