Embarquement d’un possédé

Oeuvre de Frantisek Kobliha

Oeuvre de Frantisek Kobliha

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Le train est en retard. Normal. Cette normalité me faire regretter le temps d’une SNCF qui faisait du mot exactitude son leitmotiv, sa raison de tenir ses engagements ou ses engagements : sa raison d’être.

Bref, voilà le départ. Et il roule, il roule, il roule. Boggies à caresser les rails. Wagons wagonnant wagonne. Et puis, par un incident contraire aux bons usages, il s’arrête sur une voie dans le froid d’une campagne endormie d’hiver à seize heures vingt-cinq. Une campagne possédée d’une aura entre moiteur et fluide s’évaporant de terre.

Je note l’heure sur mon mémo de portable. Heureusement qu’il me reste de la charge, je n’ai même pas un lampion en cas de panne, si la nuit survient. Et la nuit est vorace en cette saison. Elle se costume d’un blouson bien noir et se pantalonne de quelques étoiles bien timides dont les nuages capuchonnent par jeu leur lumière déjà fantomatique.

Je suis seul dans ce wagon. C’est presque inquiétant. Quand, j’entends ou je crois entendre un son pianissimo. Je me retourne sur mon siège, de droite, je me lève un peu, je me rassois.

Horreur ! J’entrevois, là, sur la fenêtre, en hologramme, une tête des mauvais jours, des yeux irradiés d’une méchanceté inédite, un genre matriarcal dix fois pire que la norme d’une certaine époque.

Je crois l’instant propice à l’arrêt brutal du cœur. Je me mets à trembler comme un feuille, tellement j’ai peur. Je n’ose retourner la tête vers cette satanée vitre. J’ai les yeux d’un zigoto ahuri. Et voilà que mon corps ne me répond plus, du tout. Je suis en… lévitation. Je… je… dans une confusion totale, en position assise à flotter dans le couloir du wagon.

Je traverse à présent… la vitre. Je suis conscient et ne ressens plus rien comme… mort. La nuit m’enveloppe dans un brouillard campagnard et à peine si je distingue ma direction entre un champ floral et une forêt de pins. Et puis, là, en contre-bas, deux personnes qui m’observent.

— Son regard a croisé celui du spectre de la mère Pichylin. Pauvre homme. Rien ne viendra le sauver même “un leveur de sorts”. Brrrrrr, j’en ai froid dans le dos. Rentrons.

© Max-Louis MARCETTEAU 2018

4 réflexions sur “Embarquement d’un possédé

    • Bon jour,
      Oui, absolument et parfois dans l’écriture on se laisse « embarquer » littéralement. C’est des moments étranges, fabuleux, inquiétant mais tellement uniques.
      Note : je me suis permis de supprimer votre premier message cause de mauvaise manip 🙂
      Merci à vous.
      Max-Louis

      Aimé par 2 personnes

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