La Raymonde restera à la maison du maître

Photographie - Manoir de Gibson - Sarlat la Caneda - Dordogne

Photographie – Manoir de Gibson – Sarlat la Caneda – Dordogne

 

Blog Jobougon : Exercice (si vous avez un peu de temps, je vous invite à effectuer cet exercice pour le plaisir …). Voici ci-dessous ma modeste participation.


La Raymonde restera à la maison du maître pour son plaisir. C’est risqué, il faut le reconnaître, seuls les rois rêveurs n’osent y croire. Riez ! J’entends mon mur mitoyen vibrer comme un appel intérieur de la brique, il me mutile méticuleusement mon marteau de chaque ouïe. C’est au plus haut point stressant. Et puis cette similitude entre séismes solitaires (masturbation pour les puristes) et vibration des soliloques du matériau adossé à mon lit, me dérange les neurones et certains diront : “soyons sauvages selon les styles stéréotypés”. Je dis : non ! Si je prends l’exemple d’hier, le vertige du vigile devant la vérité de sa propre identité d’enfant abandonné n’avait rien à voir avec le verdoyant vestige de Virgile. Et pourtant, il dit : “Ne rougis pas de ton troupeau” comme ne rugit pas à ton vrai nom, vigile, tu es des nôtres quoi qu’il advienne. Je l’aime bien ce vigile du super marché. Oui, c’est vrai. D’ailleurs, il m’a dit, un jour de pluie : “Regardez la rivière ruisselante se recouvrir d’une ravissante robe de rosée.” J’ai trouvé ça beau, très beau. Je n’ai rien dit, parce que je ne suis pas poète. J’ai souri. Il m’a souri. Je suis parti. J’ai retenu la phrase. Voici que reviennent mes visions de nuit. Ça clapote dans mon cerveau, très certainement car contre celui-ci, ceux-ci comprennent comment il réagit au manque de sommeil, au manque tout court de la vie normal, moi qui suis le gardien du manoir de monsieur et qui sait charmer ce cruel crotale quand il lui prend des crises de paranoïa contre tout le monde que même le chapelier cinglé crayonne ce charmant chat chanteur dans son vestibule à chaque visite, il lui prend de l’étrangler sur le champ et que moi je le retiens de toutes mes forces et le jette à terre comme un vulgaire sac à patates. Je me retourne une énième fois dans mon lit. J’attends l’aube et ma merveilleuse maman me mitonne méthodiquement mon moelleux muesli au petit déjeuner du matin. Vieille mère, toujours aimante et attentive, ce mot ne va pas sans l’autre. Et puis, d’un demi sommeil à un autre, le réservoir de mes pensées fuit au goutte à goutte, je pleure un peu, je me détourne de mes cauchemars. Raymonde est partie après son office de chair. Il va faire jour, heureusement, je suis encore vie, une journée de plus, je me lève, j’entrouvre mes persiennes, et lentement libérées, les lourdes libellules lévitent légèrement, limitant là les libations libertaires licites. Je souris. J’entends maman. Je t’aime.

© Max-Louis MARCETTEAU 2018

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