Agenda Ironique d’Octobre 2019
« Clara allait au Cora« , le dimanche matin comme certaines bigotes allaient à la messe, car avec « Cora, la qualité est là ! ».
Cependant, ce jour-là, elle avait un rendez-vous, tout là-bas, sur la terre des Neufs Pendues, au manoir de la comtesse de La Motte Hantière et dont les six enfants étaient appelés par le village : les demi-mottes.
Clara avait la trentaine marquée, le corps d’un boulot et la chevelure blonde d’un pleureur, célibataire et vendeuse dans un magasin de lingerie fine, ce jour-là, elle allait apporter à la comtesse, très exceptionnellement, des pièces pour un essayage particulier avec l’accord de son employeur … la comtesse en ce milieu d’après-midi devait recevoir son amant dans une discrète dépendance que contient le manoir sur la terre des Marais … devenue cultivable à la fin du dix-neuvième siècle développant ainsi les ressources du domaine.
Telle était en fait la rumeur, de cet amant, qui s’était installée, comme une lèpre sur le corps social et le corps social ne fait pas le dos rond ni avec le dos de la cuillère quand c’est croustillant, voire morbide et le morbide avait son mot à dire …
Les jeux étaient faits et la comtesse agonisait ligotée dans son peignoir déshabillé dans une cave au plus sombre de son histoire entre l’humidité de la Mort et l’angoisse d’une terre battue à qui l’on avait creusé comme un stigmate sa propre chair pour l’attente d’un contenu de chair probable …
— Alors, salope … tu croyais quoi ? … ton petit jeu allait durer éternellement ? Il m’aime, moi … je suis jeune, belle, je l’aime … et toi … tu es répugnante avec ton argent et tes cinquante ans à la cougar… tu vas crever sans requiem à la Mozart … sans rejoindre ton cocu de mari … mort de tes frasques … de ton cul toujours trop chaud …
Elle avait posé sa pelle à côté de la pioche. Elle était tout en sueur, cette sueur de la vengeance, cette sueur de la justice, cette sueur qui allait enfin lui apporter la liberté …
— Il te croira partie … comme tu le fais si bien, sans prévenir, comme tous les ans … comme une crise de ton plein de vie, tu veux être libre … tu vas l’être totalement … j’ai tout calculé …
Et elle avait repris la pelle et d’un coup ajusté, elle avait frappé fort très fort le profil de la femme de la mère de l’infamie dans un craquement d’os … à retardement et d’un semblant dernier souffle … elle avait enfoncé dans la bouche du cadavre, pour faire bonne mesure, un tanga dentelle …
— Bouffe-le, jusqu’à l’éternité …
Puis, d’efforts en efforts elle avait traîné et basculé le corps dépouillé de dignité dans la fosse … et les deux beaux paquets de lingerie … et la chaux vive … jusqu’à l’épuisement de sa haine elle avait pelleté pour recouvrir son acte sa rivale puis avait égalisé le reste de la terre dans l’immense cave et avait roulé quelques tonneaux puis debout comme stèle …
Dix heures dix minutes dix secondes … du matin… la montre de Clara s’était arrêtée posée et oubliée sur une étagère poussiéreuse de la cave … mais l’oubli est aussi une aubaine à qui sait chercher au bon endroit …
Le chaudron magique de sa vie allait enfin s’ouvrir sur nouvelle ère d’amour, à cœurs ouverts ils allaient s’aimer … après ce coup de balai de « la vieille » comme il disait, dont il avait soutiré une petite fortune car tel était son rôle à lui … les deux complices pouvaient retirer le masque de la cupidité du faux semblant …
Mais au retour de son forfait, à rejoindre sa voiture, sur le bord d’un chemin poisseux d’eau de la nuit à la lune gaillarde au hibou de service qui digère son deuxième mulot égaré par un rayonnement lunatique … à prendre un raccourci à traverser champ, elle avait été prise au piège d’une gadoue en ventouse genre sable mouvant … un restant de marais … un restant d’outre-tombe ancien … comme des racines qui l’avaient enveloppée par les chevilles … elle s’était enfoncée …
Elle avait crié, de ce cri thoracique qui brûle la gorge jusqu’au creux du ventre de l’ombilic de l’utérus … ce cri dit sauvage de la bête blessée qui sait son heure arrivée devant l’abattoir …
« C’est ce qu’on appelle être faite comme un rat ! »
© Max-Louis MARCETTEAU 2019
Très vivant comme description (si j’ose dire), on s’y croirait !
Bonne journée à toi, Max-Louis.
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Bon jour Jean-Louis,
Alors, ce texte est une réussite 🙂
Merci de ton compliment, et passage ::)
Bonne soirée à toi.
Max-Louis
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La fin est très morale 🙂 Une histoire saisissante et une écriture très expressive !
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Bon jour,
A tout crime son châtiment … 🙂
Merci de vos mots, compliment et passage 🙂
Max-Louis
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Ca dépote à de balais, à coup de pioche!
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Bon jour,
Effectivement … ça fait pas dans la dentelle …
Merci de vos mots et passage 🙂
Max-Louis
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Enfin, je prends le temps de bien relire ta nouvelle pour l’agenda. Quelle imagination encore une fois, avec cette histoire de dentelle, j’ai replongé du côté du bonheur des dames ! Tout est bien pensé, Jusqu’à la seconde près! Vrabo 😉
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Bon jour Sabrina,
Oui, c’est du « naturalisme » … 🙂
En tout cas merci de tes mots, passage et … éloge 🙂
Max-Louis
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Bon jour,
Quel homme ! Quelle pointure …. merci pour ce partage 🙂
Max-Louis
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tiens, ici aussi, une pelle 🙂
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Bon jour,
Oui, c’est la saison … 🙂
Merci de vos mots et passage 🙂
Max-Louis
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oui, les feuilles mortes, toussa, toussa 🙂
très belle histoire, au passage
🙂
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Merci beaucoup Carnetsparesseux 🙂
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