Le pragmatisme de l’acte charnel

Photographie de Dmitriy Krasitsky

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Aux retrouvailles tous les souvenirs sont là comme le filet à provisions, il y a des ingrédients qu’on apprécie et d’autres moins mais indispensables à la préparation du plat considéré.

Après un confinement sexuel, il était évident qu’il me manquait : le jouir pleinement et en nature comme l’on pourrait dire en toute élégance.

Ces retrouvailles ont été un fiasco. Normal. La hauteur de mon engagement n’était pas à la hauteur de la personne. Un déphasage et des attendus divergents. Rien n’est moins simple de satisfaire autrui (et inversement) par toutes les exigences qui s’enfilent comme des perles dans un collier. Je décidais de prendre une autre direction.

Le cœur étant mis de côté, le pragmatisme de l’acte charnel à venir était important pour ne pas s’égarer sur une relation tendue sur un fil funambule qui a tout moment pouvait rompre. Aussi, la distance entre point de départ et point limite définissait le périmètre à explorer pour découvrir ce qui pourrait m’enchanter. En effet, plusieurs dizaines de kilomètres carrés paraissaient une belle surface, cependant avec une idée précise non négociable de ma recherche : 1,75 m, 95C, blonde (et autres critères sur ma feuille de route) rien n’était moins sûr de trouver la correspondance à cette prétention, mais l’espoir fait vivre, paraît-il. Amen.

En prenant en compte mon portefeuille qui n’était pas extensible et le téléphone en poche, j’effectuais mes recherches ardemment. Je m’informais, contactais, visitais, prenais notes. Plusieurs semaines entièrement consacrées à la poursuite de la femme idéale à mon envie sexuelle, j’abdiquais un beau matin, devant ma glace à doubles reflets. Je me questionnais. J’admettais que je faisais le difficile.

Je décidais de prendre le train de la raison. J’embarquais pour un pays fabuleux, non pas imaginaire mais celui qui me permettrait le baiser attendu, et tout le reste pour ma plus grande joie sexuelle. Ce pays était pourvu ce dont je recherchais. Il n’était pas aussi loin que je pouvais le croire à mon grand étonnement, il s’appelait : La Fraise, un magasin qui fabriquait et vendait… des poupées gonflables…

© Max-Louis MARCETTEAU 2022

L’âge se regarde dans la glace

Photographie de Stanislav Istratov

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L’âge se regarde dans la glace

Tout est perdu, se dit-il, le soleil dans le dos et la musique au bord des larmes.

Les yeux de l’homme, sombres, s’éclairent.

Il ressent dans sa poitrine des coups comme celui d’un martinet en manque d’action.

L’homme s’assied sur la lunette rabattue d’un wc.

Il tient à jouer à la roulette russe : un revolver, une balle.

De son autre main, une photo.

Un dernier baiser factice.

Position du soumis à sa volonté qui tient boutique jusqu’au dernier instant.

La détonation n’aura pas lieu.

Il n’a pas entendu.

De toute façon… il est mort…

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Sur un banc

mickey postier du ciel 1933 - the mail pilot - avec minnie et pat hibulaire

Mickey postier du ciel 1933 – the mail pilot – avec Minnie et Pat Hibulaire

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Sur un banc :

— Un soupir vaut mieux qu’un silence.
— …
— Tu ne crois pas ?
— …
— Enfin ! fait bon souvenir pour notre réconciliation !
— …
— T’es bornée … tout de même … allez, prends-moi la main !
— …
— Ou un baiser, là, sur ma joue ?
— …
— Tu fais l’enfant. C’est pénible …
— J’attends la nuit
— Des mots … enfin des mots … et pourquoi … la nuit ?
— Pour sentir le jasmin …
— Le jasmin ? Quel jasmin ?
— La larme de jasmin qui coulera de tes yeux pour le pardon et son parfum en sa signature nous réconciliera …
— Mais … mais je rêve … comment vais-je pleurer des pleurs de jasmin, moi …?
— Tu vois, tu ne fais pas d’effort …

© Max-Louis MARCETTEAU 2018

Glantine

Photo - Aestus Magazine 2015

Photo – Aestus Magazine 2015

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J’avoue, j’ai une love doll (une poupée gonflable pour les puristes), là, dans mon lit, qui… repose. C’est le top du top. Dernière génération de texture et I.A. (intelligence artificielle pour les autres puristes) montée en Corée, fabrication des pièces en Thaïlande et transport sous pavillon grec sous la houlette d’une holding chinoise.

Bref, je tiens régulièrement un blog sur notre couple journellement depuis quelques… jours. Notre hymen est toute nouvelle et nous avons partagé ce moment avec quelques voisins de notre village, très chaleureux, souriants. Le curé de la paroisse n’a pas voulu ordonner notre union. Nous le trouvons, Glantine et moi rétrograde voire fossilisé.

Elle s’appelle Glantine (ma love doll) et d’orifices plaisirs, suis satisfait. Je ne demande pas plus. C’est avant tout de cela qui m’importe. Je n’ai pas à donner de l’amour pour ne pas en recevoir. Pas de virginité en quoi que ce soit. C’est un pur produit d’expériences acquises dès la conception. Ceci posé il n’y pas de conflits, pas d’embrouilles pour une paire de chaussette qui traîne sous le lit ou dans la salle de bains.

J’aime particulièrement nos moments entre un baiser là et un autre ici, elle ressent tout, que même sa peau frisonne légèrement en fonction de l’endroit et du contact. Elle est pour moi une énigme de technologie humaine. Elle n’est pas interchangeable avec une vraie personne, une femme en l’occurrence.

De plus, je peux l’interroger sur n’importe quel sujet, elle répond en fonction de la voix que j’aie choisie. Pour moi, c’est une révolution dans le rapport humain. C’est étrange d’avouer ça, comme ça. Et puis pour les fainéants, elle est programmée pour entretenir votre voiture, jardin, maison…

Ce matin, je viens de recevoir par lettre une menace de mort à son encontre et j’ai paniqué. Je n’ai pas osé prévenir la police. Elle m’aurait ri au nez. C’est d’un triste. Et d’autant plus triste que ce soir, alors que j’écris ces lignes, je suis complètement effondré. Après le travail, j’ai aperçu dans notre jardin, Glantine pendue au pommier, démembrée en bonne partie…

Une part des gens sont méchants, le monde supportera jusqu’à quand… cette cruauté ?

© Max-Louis MARCETTEAU 2018