Mon sang qui n’a rien de vraiment rouge

Blog oulimots contrainte écriture


Aujourd’hui je m’embarque dans l’un des trente-trois wagons d’un train en partance pour l’inconnu.

J’installe ma modeste personne dans un siège au confort pilote de ligne le café en moins et la perfusion en plus.

J’avoue avoir été condamné pour non respect du code ZE-RT-1.02.4587M

J’assume cette punition.

Je respire à la façon d’une chrysalide et m’endors tel un chat en fin de vie à l’intérieure d’une solitude bien ancrée dans les profondeurs connues de moi seul pour une chair trop froide pour réchauffer un cœur à demi éteint en compagnie du malaise à fleur de bouche que dessinent des lèvres salées au service de larmes en cristal faisant l’écho aux jointures des articulations craquantes et aux grincements de mes frissons intermittents…

Un sautoir de surveillance gère la transition du réel vers l’improbable voyage qui m’attend.

L’injection du produit rugueux perle se mélange à mon sang qui n’a rien de vraiment rouge.

Mon insomnie coutumière s’est diluée au contact de mon ex-angoisse et toutes deux mains dans la main m’ont souri comme un dernier adieu.

La vitesse de mes synapses synthétiques augmente graduellement et s’échauffe à la rencontre des origines qui luttent jusqu’à la perdition de leur substance nutritive de ma conscience.

Les heures diaboliques se débarrassent de mon existence authentique de l’envie qui se fane sur les lobes de mes entrailles et je vomis ma sainte lucidité comme le dernier rempart de mon libre arbitre.

Je reviens à moi lessivé avec un nouveau code d’identification.

Je suis à présent un citoyen… sain.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Il s’assoit une fois de plus sur son insomnie

Personnage Corrin ou Kamui de Fire Emblem Fates – héros ou héroine – jeu vidéo de rôle tactique

Les petits cahiers d’Émilie – Les plumes d’Asphodele – du 08 au 13 avril 2019


L’oiseau emplumé de sa robe ténébreuse n’est pas d’humeur à écouter la fanfare des cui-cui au soleil levant défrisé par une nuit dépossédée par un vol de jour qui se rit chaque jour du rideau noir de sa sœur. En effet la combinaison est inattendue : le jour, la nuit, nés d’une même entité et pas sur la verdure d’un champ campagnard de luzerne qui s’ébroue à la moindre gifle de vent qui n’entend rien à son souffle … l’oiseau le sait et s’en bat l’aile …

Et puis l’oiseau va prendre son café sur son balcon. Il défait son déguisement. Le spectacle du jour de la nocturne tournée est fini. Il s’assoit une fois de plus sur son insomnie. Pas de renouveau possible. La vie comme une échelle à gravir sans fin, la faim d’une mort attendue qui n’a d’yeux que pour les autres … et lui, le velours de l’attente du sommeil sur le parvis d’un paradis éternel de non vie comme une source d’envie de ne pas renaître …

Et puis, à cet instant, il va sursauter sur sa chaise Ikéa en promo en bois collé de copeaux souffreteux devant une corneille qui l’appelle par son prénom. Elle lui demande de sortir de son rêve et de prendre sa clé de bagnole pour celle de la clé des champs et enfin savourer son avenir qui lui tend la joue pour l’embrasser goulûment … et il se réveille …

© Max-Louis MARCETTEAU 2019

Une histoire de dessous ? Chapitre 3/3

Bugs Bunny

Bugs Bunny

Je suis prêt à prendre l’anse de la tasse de mon café bien chaud que je viens de passer aux µ ondes, quand une nouvelle fois la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Il était moins une que je renversais mon arabica en le déposant prestement sur ma table basse du salon. Et je cours, pensant naturellement que je vais trouver mon adonis de livreur me faire ses excuses et reprendre sa marchandise. J’ouvre, et là, que vois-je : Sasha ! C’est vraiment pas de bol. Elle est adorable, mais elle a le don de s’incruster. Une plaie, un fléau sur deux pieds, un cactus en robe…

— Ah ! Tu te réveilles enfin !
— Comment ça, je me réveille ? Je suis debout depuis au moins une heure !
— Je te signale que tu es couché, là, présentement.
— Couché ?
— Oui, mon Amour. Tu es à l’hôpital, suite à une palette tombée sur ta voiture quand tu as doublé un camion… il y a une semaine.

© Max-Louis MARCETTEAU 2018

La formule mV

Blog de Carnets Paresseux contrainte d’écriture. Et voici le texte 🙂

Je reproduis, ici, le fragment vendu par un voyageur de passage au notaire de Coupiac, grand chambellan des collectionneurs de fragments fragmentés fragilisés français, (le GCC4F pour les puristes) et qui concerne en tout premier lieu cette façade, retrouvée après le chambardement de l’an 2017bis sur le parallèle du temps incertain (voir photo ci-dessus) :

-Messieurs, bien le bon jour !
-Monsieur Verlaine, vous ici ?
-C’est moi, en effet.
-Et quel bon vent vous amène en ce lieu propice à la couleur locale ?
-Une Gentiane !
-Une Gentiane ? Et en quel honneur ?
-Servez-moi, cafetier et écoutez-vous autres.
-On vous écoute !
-Je viens d’inventer une nouvelle teinte ?
-Non ?
-Si !
-Et de quelle nature est cette nouvelle teinte ?
-Je l’ai nommée : la teinte poétique !
-Poétique ? Vous êtes un jean-foutre, Verlaine !
-Votre langage est insupportable, cafetier !
-Possible mais il n’est pas verbeux !
-J’entends, j’entends, cependant vous fîtes défaut à la bienséance envers un consommateur de renommée cantonale.
-Vous parlez de vous en version libre.
-En version libre, certes, ma seule ma teinte comme la teinte poétique…
-La pureté de cette teinte nouvelle, me laisse de marbre.
-Vous avez le carafon de la même consistance…
-Vous insinuez que j’aie mal verni votre personne ?
-Non, vous verrouillez verticalement la discussion, c’est quand même fort !
-Sans doute, sans doute, n’empêche que vous êtes qu’un jean-foutre
-Et vous un paltoquet !
-Pignouf !
-Ne jouons pas à ce jeu ou je vais vous poudrer quelque chose sur votre face de vermisseau.
-Je jette l’éponge, mais je vois en votre annonce un mensonge de teinturier !
-“Homme d’une foi incertaine” version Matthieu Verlaine, vous êtes un benêt et ouvrez vos oreilles, car voici ce que j’énonce en cette nouvelle teinture poétique :
Le temps presse les feuilles
Couleurs des sangs de l’automnal
La Vie se crie, se jouit, se scie,
Mille morts suspendus en goutte à goutte
Pile le grain de l’humeur
Jauni le vomi de la Terre mâle
Remue les viscères de l’angoisse
Avec un couteau de cuisinier anorexique
Tousse la mort par les narines
Mélange le tout à la toux graveleuse
-Dis-moi Verlaine, faut arrêter la Gentiane ou la consommer directement au pied.
-C’est la recette en poésie, ignare, inculte, analphabète…
-Le ver est dans ta caboche, mon pauvre. D’ailleurs, à qui tu vas vendre cette nouvelle teinture ?
-A la foire de Brousse-le-Château…
-Y a que des vachers, tête de mule…
-Et le cuir on le teinte, tête d’urinoir…
-Tu vas tâter de mon nerf de bœuf…

Il va sans dire que ce fragment trône en bonne place dans le musée café-tabac de Brousse-le-Château, seul vestige et témoignage que ce Matthieu Verlaine a bien existé.

©Max-Louis MARCETTEAU 2017