— Y a quelqu’un ?
— …
— Vous êtes là ?
— …
— Je sais que vous êtes là ! Ne faites pas la bête, hein ?
— Si je veux…
— Ah ! Vous boudez ?
— On n’a plus rien à se dire, vous savez…
— Pas moi ! J’ai plein de choses à vous dire !
— Parlez-en à votre cœur, lui, sera vous conseiller…
— Mon cœur est bien là où il se trouve.
— C’est pas lui qui vous empêche de dormir ? Avouez !
— …
— Ce n’est pas la peine de me réveiller pour ne plus vous entendre !
— Oui… c’est vrai… c’est lui qui m’empêche de dormir… ça vous va, cette confidence ?
— C’est bien ce que vous êtes venu chercher, non ?
— Je ne comprends pas ?
— Vous êtes à ma recherche par cet intérêt de vous confier à moi pour que l’autre, ce cœur, que vous soupçonnez d’ingratitude, entende. Ne niez pas !
— Vous êtes pénible.
— Alors, laissez-moi où je suis au lieu de m’asticoter et vous servir de moi pour votre intérêt tout personnel.
— Oooooh ! Il y va de votre intérêt aussi, hein ! Bon ! Alors, ne soyez pas si revêche et prenez votre part qui est aussi la mienne. Arrêtons de nous combattre et prenons acte que nous sommes dans le même bateau !
— Le même corps…
— Oui, oui… on va pas chipoter…
— Eh bien, je chipote, un corps ce n’est pas un bateau !
— Enfin, il est constitué de quatre-vingt-dix pour cent d’eau et le reste de la carcasse c’est en dur… donc, si nous extrapolons c’est bien une carcasse qui navigue sur l’eau, là !
— Extrapolez, extrapolez, mon bon, je ne vous écoute plus, je ferme les écoutilles !
— De toute façon…
— De toute façon ?
— Il est trop tard !
— …
— Il vient de mourir…
Ainsi, le soi et l’âme du soi s’envolent dans l’éther du soir au rayon vert deuil qui ferme à cet instant son rideau… et le linceul de service couvre un corps … sans cœur…
© Max-Louis MARCETTEAU 2022