Nuages à l’humeur taupe

Photographie © Motop 2023

Agenda Ironique Mai 2023


« L’aurore sortait de l’océan sur son char de roses », la tête enflée par un bandage de nuages à l’humeur taupe.

— Quelle heure ?
— Il est trop tard.
— Qui sait !
— La Manière des temps ont fait coalition contre nous.
— Trahison !
— On est condamné.
— Pas tout à fait, si La Valeur du Premier temps peut nous suffire, non ?
— Oui et non.
— Si l’incertitude est acceptable par oui/non, l’échelle de notre temps, à ce niveau du maintenant, devrait nous atteindre avant le chaos.
— Tu crois que Gróa…
— Elle s’est enfuie, la garce !
— Les hommes ne seront-ils que des hommes ?
— À défaut d’être autre chose comme de la famille du marsouin… oui, notre nom nous définit comme périssable sans recours.
— Nous sommes que le fruit d’une possession, c’est ça ?
— Un trichobézoard sur la route de l’évolution qui ne l’a jamais digérée.
— J’ai un rot qui vient et pas du fond des âges.
— Soulage-toi, soldat !
— Brôoooaaaaaaaaaaaaa
— Et si la solution était là ?
— Qu’est-ce ?
— Si le temps n’était qu’un vide à dégager de notre vie pour se libérer de son carcan ?

À ce moment-là, les jumeaux se font accoucher…

© Max-Louis MARCETTEAU 2023

La couleur bandit

Photographie Iotop_2023

Oulimots


— Tu as la couleur d’un bandit
— ???
Toujours à détrousser le Sentiment le plus précieux…
— Va tondre ta pelouse, tu auras les idées plus terre-à-terre.
— Tu es une machine à broyer le cœur honnête.
— Il n’y a pas de cœur honnête, il y a des circonstances d’honnêtetés.
— Une provocation ? Que veux-tu ? Me voir mendier sur un autre territoire pour recueillir quelques mots d’attention et les voir faner dans la vase du souvenir ?
— Tu brodes à merveille un scénario par anticipation erronée…
— Je ne brode rien, je déborde vers mon incertitude.
— Tu as le sentiment de peau mannequin !
— Je suis quoi ?
— Une rencontre entre deux feux de signalisation aux desseins de mon destin, sans doute.
— Rien de plus ?
— Bon, maintenant si tu allais tondre ? hein ?
— Oui, je me prépare pour un autre… mon gazon…

© Max-Louis MARCETTEAU 2023

L’errance qui ronge son os

Photographie Iotop2023

Oulimots


— … Dieu a enfanté ! Dieu a enfanté ! …

— Il n’est pas un peu dingo ?
— Ses homélies sont avant-gardistes.
— Underground liturgique.
— A défaut d’être séminales.
— Ne ris pas !… tu vas nous faire remarquer.
— Il veut se refaire une population à la nef, quand celle-ci n’est que de bois au prie-dieu vide que le sens même nous renvoie à la pensée du non-être et que le bois dont ont fait les hommes manque à l’appel d’une consécration à ne plus être seul…
— Ce bois unique de chair qui a fait nos grandes heures et qui se décompose au moindre souffle de l’incertitude à l’absence d’une éternité devenue poussière…
— … et de sang possédé par du médicamenteux, chimie diabolique à nous retourner… le sang…
— Il manquerait qu’Ils inventent un substitue…
— Pas de pitié pour ceux qui se traînent dans les ombres de l’occulte.
— Sont-ils nombreux ? Regarde… ce que nous sommes devenus ! impropre à la consommation des peurs ancestrales. Une vie de chien a l’errance qui ronge son os… ce n’est pas de veine…
— Elles ont changé de camp, si ce n’est de visage.
— La rengaine du changement climatique, les guerres, l’inflation, le porno, les blockbusters, etc.
— L’Enfer nous rit au nez, c’est bien simple !
Arrêter ce à quoi nous sommes destinés ? Faire une formation ?
— Non, non… pas de quart, de demi-tour, ou tour entier… restons fidèles à nos préceptes antédiluviens… à qui sait attendre…
— Tu as raison ma Reine, retirons-nous de cet endroit et allons sucer nos réserves d’humains dans les soubassements de cette église… j’entends encore quelques cris… bien vivants…
— Viens à moi… mon vampire d’amour…. régalons-nous et… au pieu…

© Max-Louis MARCETTEAU 2023

Le bonheur est malsain

Photographie Iotop 2023


Deux parallèles discutent…

— … j’ai ce goût d’inachevé.
— Ça ressemble à quoi ?
— Une disjonction du Temps à l’intérieur de Moi.
— Tu as … un Moi ?
— C’est une assertion audacieuse de l’avouer à la perpendiculaire d’un ressenti, à l’angle d’un soupçon d’une certitude, à l’intersection d’un relief à peine perceptible d’un doute à l’ombre du souffle de l’onde plébiscité par ricochet…
— N’en jette plus ! N’empêche que c’est tout de même tendancieux…
— Ma sincérité n’est pas vérité à ton endroit à tout moment du discours, la défaillance peut surgir.
— Je m’étonne de ne pas ressentir… ce Moi.
— Rien n’induit de part et d’autre une quelconque possibilité de lien.
— Et pourtant, à la ressemblance…
— … la dissemblance…
— … nos latitudes font cohérences…
— … nous sommes des lignes…
— … tête-à-tête perchés à l’encre…
— … la tache, seule, nous décloisonne.
— On est le contraire du reflet quand le miroir des mots froisse… ainsi, le bonheur est malsain…

© Max-Louis MARCETTEAU 2023

De là où je parle…*

Photographie Iotop 2022


— Tu es une Passeuse d’Anges.

— Qu’est-ce ?

— Un mystère.

— Un mystère ?

— Une couleur.

— Une attirance ?

— Une convergence de Temps.

— Un résumé de Vie ?

— Le dévoilement d’un possible, autre.

— Il faut une clé ?

— Tous en nous, avons cette clé.

— Est-elle saisissable ?

— Peux-tu saisir le vent dans ta main ?

— Comme la parole… Alors, tout, nous file, entre les doigts ?

— Elle sera à notre seuil, éclairée… tu es la serrure… pour ceux qui te reconnaissent…

© Max-Louis MARCETTEAU 2022

* Isabelle T.

Le silence regarde le cadavre tout chaud

Photographie Iotop_2022

Blog oulimots contrainte écriture


— La pluie arrive de l’ouest …
— Tu pars quand même ?
— Il faut bien partir un jour, non ?
— J’sais pas… il faudrait bien que tu restes… non ?
— Tu sais, dans ta vie je ne suis qu’un petit caillou, rien de plus…
— Qu’est-ce t’en sais ? hein ?
— Je le sais, c’est tout et je te connais… je ne suis pas un gars pour toi…
— Qu’est-ce que tu connais de ce que j’ai au cœur et dans mon ventre eux qui me disent tous deux que tu dois rester…
— Je pars, c’est tout…. tu sais que c’était convenu…
— Oui… je sais, mais bon… j’ai… j’ai mal… pas toi ?
— Les choses sont comme ça, c’est tout…
— Tu emportes ta belle plante anémone avec toi… et tu me laisses ? C’est injuste.
— Injuste ? Enfin, on a bien décidé trois mois ensemble pour engagement pour une coloc et ensuite je partais… enfin, on a couché quelques fois… voilà, s’est terminé, je pars… et puis laisse moi mon anémone. Elle est malade
— Malade ? Tu déconnes là ?
— Tu vois bien, elle n’a pas la grande forme…
— Et moi ?
— T’es pas une plante !
— Raison pour que tu restes !
— Ce n’est pas la question… de toute façon… je t’aime pas…
— Est-ce que je te demande ce genre de verbe au présent ?
— J’en sais rien… j’m’en fous… t’es trop compliquée…
— Et t’as plante, elle n’est pas compliquée, elle ?
— Je l’aime, elle !
— Quelle excuse à la noix quand tu peux avoir une femme à toi !…
— Laisse-moi passer…
— Non !
— Aller… et puis lâche ce fusil…
— Non !
— Mais il y a des millions de bons hommes!… fait ton choix…
— Je t’ai choisi…
— Bien ma veine… j’ai gagné le gros lot, c’est ça…
— J’ai un secret à t’avouer.
— Je ne veux pas de ton secret, jamais !… tu entends !… je ne veux rien de toi !… rien de rien !

Et pour toute réponse, elle tire à bout portant. L’homme s’écroule en lâchant le bocal d’eau, habitât de l’anémone, qui se brise aux pieds de la femme.

Le silence regarde le cadavre tout chaud, tandis que l’anémone, périssant et amoureuse, injecte sur les jambes de la meurtrière sa toxine mortelle…

© Max-Louis MARCETTEAU 2022

Pour faire fleurir la tristesse

Photographie Iotop 2022

Blog oulimots contrainte écriture


Le pétale rose est morose sur son balcon au regard lointain défiant la forêt de toitures qui semblent une peinture indélicate trop grise pour que le ciel s’en offusque lui qui a de sa préférence le nuage cirrus…

L’Astrolabe, son voisin, installé sur la petite table verte bien en fer, est silencieux et semble trier ses souvenirs tel l’humain assis près de lui avec son kilo de lentilles à départager l’ivraie avec une loupe, son troisième œil…

Paul entend sa Tentacule, sa voisine de palier, jouer de l’Orgue qui semblait pleurer d’une larme à une autre pour faire fleurir la tristesse en cet après-midi qui semble s’étirer sur le bord du rien sur le bulbe d’étrave fendant le néant…

Exergue qui fumait sur le balcon, le compagnon de Tentacule (pas du balcon), dit à Paul :

— J’ai cerné le pourquoi de la question.
— Quelle question ?
— Les gens
— Quels gens ?
— Oui, les gens qui passent, là, en dessous, sur le trottoir du côté de l’ombre alors que le soleil sur l’autre trottoir personne ne s’y aventure…
— Ah ? Et ?
— Eh bien, c’est la volute de l’escargot géant planté comme une stèle sur le trottoir ensoleillé qui pose question, tout simplement !
— Ah ? et les gens ne semblent pas apprécier et ils changent de trottoir, c’est ça ?
— Oui…
— Dis-moi, tu prends toujours tes médicaments pour les hallucinations ?
— Oui, pourquoi ?
— Non,comme ça, pour causer, pour le pourquoi de la question qui… me posait question….

© Max-Louis MARCETTEAU 2022

Sourire attaché aux fossettes saillantes comme des faux

Oeuvre de MR ホワイト – janv 2013

Agenda Ironique Juin 2021 (suite à la demande du plus grand nombre) 1ère partie ICI


— N’ayez pas la peur autour du cou pour vous étouffer … avancez vous dis-je … insiste la bonne vieille dame le regard brillant au sourire attaché aux fossettes saillantes comme des faux.

Le frigoriste hésite telle une appréhension qui sonne creux par sa valve aortique … pourtant il s’engage aux premiers degrés sa caisse à outils à la main et son futur qui n’en mène pas large à la figure blême de son devis d’être encore vivant à la feuille imprimée en double exemplaire.

L’escalier droit pentu à la meunier main courante usée nez de marches râpés la pâleur fait odeur entre buisson trempé d’une fin d’automne et la bactérie bien portante d’une terre humide valorisée par les infiltrations mousseuses d’une ancienne papeterie …

— Je vous suis jeune homme, annonce l’aïeule qui l’a à l’œil … en franchissant le seuil couleur noire deuil.
— Je crois …. je crois que … je vais vomir…
— Un peu de lavande sous le nez devrait vous aider à avancer.
— Non … non … je suis allergique à cette plante.
— Eh bien, vous n’êtes pas très sain, marmonne la vieille.

L’escalier pris en étau entre murs de pierre et fond de cave interminable l’enrôlement de Paul à sa prise de décision l’emporte sur les échafaudages qui s’emballent sur la faille de l’inconnu dépositaire de l’écrasement de la raison … quand la lumière fait défaut Paul est aspiré par ce trou noir comme un puits sans fond … et la vieille s’éblouit de sa personne tel un brillant dans cette nuit artificielle …

— Maman ! Mamannnnnn … crie le frigoriste a l’épiderme noyé d’une sueur piquante d’un gros sel de cauchemar roulé dans les draps de son lit témoin pris en otage.
— Maman est là … mon grand garçon … dit la vieille mère.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Option râtelier première classe

Oeuvre Andy Foo

Agenda Ironique Juin 2021

(La date limite est le samedi 26 juin 2021 pour participer, diantre)


Insomniaque jusqu’au fond des yeux la vieille chouette ouvre sa porte. Le frigoriste n’est pas d’humeur. L’astreinte dépannage ce n’est pas une sinécure, même payée en heures de nuit.

— Alors, ma p’tite dame, c’est quoi le souci sur votre congélo ?
— J’ai la narine gauche, seule valide, me fait sentir qu’il y a une odeur de fréon.

Le frigoriste, Paul, relève le sourcil droit bien haut pour un droitier de main et gaucher de pied mais pas tout à fait tarte pour comprendre que la personne âgée ne fonctionne pas qu’au lait d’ânesse …

— Fréon ? Il date de quelle année votre engin ?
— Mille neuf cent quatre-vingt-quatre, monsieur le réparateur en froid.
— Ah !
— Je vous invite à ausculter la bête qui se planque dans la cave.

Paul, n’ose pas une fois de plus relever le sourcil droit mais s’interroge par une étonnante et discrète signalétique par ses deux yeux bleu azur vert doré qui fait la joie de son épouse chimiste dans un GGA (grand groupe alimentaire).

Il suit l’ancêtre dans un dédale de pièces aux odeurs inqualifiables qu’un parfumeur déposerait plainte pour indécence olfactive.

— Il est de quelle marque ? dit le frigoriste pour détendre l’atmosphère qui n’est pas dans son unité normale et augmente autant que sa pression artérielle.
— Je ne sais plus. Il est discret depuis toujours, mais depuis cet après-midi, il fait un drôle de bruit.
— Un drôle de bruit ?
— J’ai l’impression qu’il ricane.

Vingt-deux ans trois mois et quatre jours de métier, Paul semble déstabilisé par les propos de cette usagée à la voix en arrière gorge qui déverrouille une porte massive et grinçante comme deux fémurs qui se frottent l’un l’autre pour fêter de joie leurs trois cents ans de vie commune dans un ossuaire.

— Ne vous inquiétez pas jeune homme, franchissez le seuil, la cave est bien éclairée, voyez … dit la fanée d’un beau sourire, option râtelier première classe …

A ce moment-là, le frigoriste est parcouru d’un frisson le long de son échine en esse de bonne tenue.

(… à suivre… peut-être)

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Une savonnette bien blonde a tous les coins des angles

Photographie Norbert Liesz

Blog Émilie : récolte 21.07


… quand le savon commence à comprendre que tout le monde s’en lave les mains, il se dit qu’il est temps pour lui de prendre la tangente.

Après avoir été douché plusieurs fois pour des évasions … loupées, il se dit qu’il n’est pas prêt à sabrer le champagne sur la plage de galets de ses rêves et de finir ivre de contentement en compagnie d’une savonnette bien blonde a tous les coins des angles de sa beauté éclairante de promesse.

Aussi il réfléchit à un stratagème à défaut d’écrire par bulles devant la glace toujours de marbre avant qu’il ne finisse à éclater de regrets (à défaut de rire) pour disparaître à jamais comme peau de chagrin.

Son intérieur bouillonne d’idées comme un envol sur la piste de rinçage/polissage après baignade et jeux dans la piscine privée ou de faire croire à la lingère qu’il n’est pas consommable pour sa peau de tendre quadragénaire en devenir d’un nouvel amour à repasser avec le valet de chambre homme de bonnes mœurs.

Il cogite ainsi dans son lit douillet nommé porte-savon quand un léger soubresaut d’une pensée l’éclaire de mille LED effervescentes et qu’apparaît l’image de ses cousins de Marseille embobineurs tchatcheurs à la galéjade en porte-voix interfèrent en voix-off :

— Allô ! Allô ! Allôôôôôôôô !!! ici le porte-savons général de Marseille …
— Allô ! Allô … ici porte-savon cousin … je suis en perdition …
— Ta position ?
— De latitude Pli-En-Deux, de longitude 2-4-ZR-0
— Bonne mère, t’es chez des bourgeois hygiénistes …
— Ma sécurité n’est plus assurée cousin …
— Hélas, oui … tu vas être définitivement lessivé …
— Mon rêve était de couler des jours heureux …
— Tu n’es pas dans la bonne case pour coincer la bulle … fin de transmission …

Il comprend qu’il est dans la mousse (et pas en chocolat) jusque là et même au-delà d’ici et son air des bons jours disparaît au sourire de sa destinée qui lui a savonné la planche et pas de surf pour s’encanailler à la Pointe de l’Aiguille … et aucune armure de papier pour le protéger. Non aucune.

Alors … il décide de s’auto-savonner … pour en finir.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Je suis en pyjama …

Henri Matisse – La conversation – 1908

Agenda Ironique d’Avril 2021 – (hors délai)


— Alors ?
— Quoi, alors ?
— Les mains dans les poches !
— Je suis en pyjama…
— Qu’importe, tu es chez moi …
— Mon défunt père me disait, très justement, à propos d’une voisine acariâtre : « cause toujours, tu m’intéresses ».
— Je ne suis pas une voisine mais ta femme !
— On ne gagne pas à tous les coups…
— Tu me provoques ?
— C’est le destin qui un jour m’a convoqué pour te rencontrer…
— Tu es ignoble !
— Non, fatigué tout simplement …
— Ton lit t’attend.
— Oui, mon lit, mes rêves, ma nuit, et puis mon journal du matin … et toi, ma femme, qui n’attend plus rien…
— J’attends que tu quittes mon champ de vision.
— Pour une fois que je voulais te dire : bonsoir …
— Je ne te demande rien …
— C’est vrai … et pourtant …
— Et pourtant ?
— Pourquoi me gardes-tu ?
— Peut-être parce que tu fais partie… des meubles…
— Te voilà sentimentale ? Belle confidence …
— Et toi … pourquoi restes-tu avec moi ?
— J’ai le gîte, le couvert, l’argent de poche, quelques menus plaisirs …
— Nous sommes lâches …
— Non, nous sommes … indécents …

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Je viens vous jardiner ma douce amie

Photographie maurorobi66 – Venice Carnival

Blog Émilie : récolte 21.05


— Vous êtes bien tendre mon ami, ce matin.
— Je viens vous jardiner ma douce amie.
— À mon plaisir d’avoir accepté au bal votre émeraude ?
— À votre rayon de lumière qui jaillit de vos yeux entre vos feuillages en ce lever désirable.
— Je ne suis pas un arbre, grand vaurien.
— J’attends de vous un renouveau de notre amour cendré.
— Le Phénix n’est pas à l’ordre du jour et votre espérance me fait sourire.
— Je suis encore cette graine qui germe d’un amour vrai en votre territoire.
— J’ai bien peur que vous deviez vous contenter de vous-même…
— Eh bien, voilà un soufflet qui me contrarie jusqu’à mon chapeau.
— Votre chapeau est aussi de la partie à danser avec votre caractère ?
— Vous sous-entendez que j’ai pris un coup de soleil ?
— J’entends parfois que vous avait à la place de votre cerveau de la mousse.
— Il faudrait me ménager… à l’occasion.
— Allez courir la gueuse pour vous distraire alors que moi je ne suis qu’une insatisfaite et une drôle de mine

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Votre œil noir des dimanches sablonneux

Photographie de Oleg Kornilov – intitulé Woman is watering flowers in a garden

Blog Émilie : récolte 21.04


— Qui est-ce ?
— C’est un auteur.
— Pourquoi il ramasse des feuilles ?
— À broyer des mots aux feux des lignes, je l’ai amené par la douceur à l’engager comme jardinier.
— C’est un bon ouvrier ?
— Il ne cabosse pas mes plates-bandes… il est au moins bon à quelque chose.
— Ainsi vous le maîtrisez.
— Tout à fait. Il me doit deux manuscrits, le bougre !
— Il faut bien se payer.
— Eh oui, quand on considère qu’il n’a pas toute sa tête…
— Qu’est-ce à dire ?
— Il a voulu marchander avec une tablette de chocolat… son contrat.
— C’est curieux, en effet.
— Curieux ? Il avait retiré l’emballage… cela ne se fait pas… qu’est-ce que vous en pensez ?
— …
— Ne me regardez pas avec votre œil noir des dimanches sablonneux.
— Je vais paraître suranné, ou mal convenu… mais… vous semble-t-il être conscient de votre état ?
— Et vous-même ?
— Moi-même ?
— Oui, vous-même ?
— Je ne comprends pas…
— Vous prenez le risque de déguster
— De déguster ?
— Un câlin ?
— Euh… je suis un peu perdu dans vos propos…
— Vous voyez… vous semble-t-il être conscient de votre état ?
— J’avoue que j’ai un tantinet chaud en votre compagnie…
— Il faudrait vous prescrire quelques moments en compagnie du jardinier.
— Et pourquoi ?
— Pour vous aérer l’esprit, tout simplement… une pâtisserie ?
— Euh… avec plaisir
— Vous serez très bien parmi nous, je vous le dis, dans cet établissement… mental…

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Tu es perméable comme le beignet dans la friture

Photographie Iotop 2021- Oudon

Blog Émilie : récolte 21.03


Annulation ?
— Eh oui …
— Je m’élève contre …
— Confrontation ?
— Frustration !
— Alors, organise avec toi-même ton carnaval.
— Pour masquer ma frustration ?
— Non. Pour te mettre hors d’atteinte de ce monde.
— Hors d’atteinte de quoi ?
— De l’effervescence mondiale… du demain entre deux eaux (et pas le village des Vosges) …
— Tout est à brûler !
— Au contraire, tout semble se reconfigurer !
— Que m’importe, l’angoisse me conseille fortement, me presse le ciboulot, et son jus m’empoisonne.
— Tu es perméable comme le beignet dans la friture… à boire trop de médias toxiques, voilà où tu en es …
— C’est vrai… je dois stopper ces avalanches de morts, de complots, de conflits, de menaces, de statistiques, de guerres …
— Et toute la bêtise faite homme
— Et femme
— Aussi !
— Bon, je vais accueillir aujourd’hui mon nouveau moral tout neuf !
— Excellent !
— C’est fou comme tu me fais du bien ! Tu sais ça ?
— Euh … oui … bon …
— Tu me revigores … tu sais oser me bousculer … et j’aime ça …
— Bon, arrête ton char
— Tu es ma couleur de vie ! Tu sais ça ? Mon Amour !
— Je n’aime pas les compliments, c’est moi qui vais avoir le moral en dessous de la ligne de flottaison…
— Et si je t’apportais réconfort, là, maintenant ?
— Qu’est-ce ?
— Goujat ! Regarde ! Cette belle culture du bon de toi en récompense … viens à moi, prends moi, maintenant, de corps… en ton carnaval !

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Ce vaisselier centenaire me scrute

Ce vaisselier centenaire me scrute

Oeuvre de David-Germain Nillet – La soupe.jpg

Blog oulimots contrainte écriture


A l’heure de mon repas journalier ce vaisselier centenaire me scrute de ses yeux vitreux … et ce canapé… je l’entends crier à chaque fois que les griffes du chat lui triture la caouane couleur bleue de son teint …

Ma soupe est chaude et je réfléchis la tête … de la cuillère dans le bouillonnement … elle ne souffre pas … elle …

La lampe du plafond, allumée, la vague d’un tungstène dans l’âme :

— T’as un souci, Paul ? me dit-elle.
— Je souhaite l’oubli.
— Tu souhaites de l’aide ?
— Non.

Et ma cuillère fait dos rond… c’est louche …

— Tu fais ta forte tête ?
— …
— Ne me réponds pas !
— J’en ai ras la soupière …
— Et moi ras l’assiette creuse de tes bouderies …
Cesse ! .. de me mordre les rebords !

Cela dit, elle n’a pas tort. J’ai le dentier du haut qui racle et qui râle en fond de gorge comme un écho.

— Je te côtoie tous les jours et …
— Précise, dit la cuillère en se retournant et me fixant le plein de son questionnement à ras le bord.
— Tu vas retourner au tiroir.
— Tu es abject !
— Laisse-moi exister au lieu de te plaindre chaque jour.
— Tu vas fricoter avec une autre…
— C’est sûr !
— Goujat !

Et … je l’ai noyée dans sa jalousie pour l’éternité.

© Max-Louis MARCETTEAU 2020

Un dernier vœu avant le premier saut ?

Lac_Abraham Photo de Luis Arevalo

Blog Sabrina (j’ai fait le choix d’une des trois consignes )


 

Deux hommes en haut d’un pont entre deux montagnes, et un lac en contrebas.

— Tu sais quoi ?
— Non ?
— Je me demande si l’eau est froide.
— Ce n’est pas de l’eau, c’est du méthane.
— Ah ? C’est un nouveau procédé ?
— Tu pouvais choisir.
— Momifié à vif ou gelé et réchauffé par intermittence jusqu’à ce que tous les membres tombent comme de la lèpre … quelle importance.
— Rien ne sert de courir, il faut mourir à point !
— Ça te faire rire ?
— Pardon.
— Tu es le bourreau officiel sur ce territoire, alors je comprends que tu n’es pas là pour verser des larmes.
— Un dernier vœu avant le premier saut ?
— Tu sais pourquoi je suis méchant ?
— Non ?
— Parce que la vie a été injuste avec moi.
— Cela m’étonne.
— Je suis né avec une «cuillère en argent», je n’ai pas eu à traverser la rue pour trouver un job, tout le monde m’aimait, même la mamie que j’ai ébouillantée avec sa marmite de soupe…
— Et ?
— C’est devenu au fil du temps insupportable … adolescent, avec ma tête d’ange, le mot amour se collait sur la langue des filles qui voulaient s’approprier mon corps comme d’une marchandise, comme un caprice…
— Être aimé, c’est beau non ? Quand une partie de l’humanité se demande si l’amour n’est pas une arnaque.
— C’est là que j’ai commencé à tuer. La première, dans le sous-sol de la maison de mes parents.
— Pourquoi n’as-tu pas simplement refusé ses avances ?
— Beaucoup d’autres avant… avaient essayé de m’embobiner. J’avais lutté. Mais celle-ci m’avait carrément joué une grande scène du genre guet-apens…
— Elle était moche ?
— Non, non …
— Une erreur de jeunesse …
— Oui. Je n’ai pas été soupçonné.
— Comme quoi, tu as été verni.
— Les années ont passé. Je cédais aux femmes qui avaient de l’argent. J’en tuais quelques-unes quand elles étaient pots de colle.
— Pourquoi tu me dis ça ? Ta condamnation n’a rien à voir avec ces femmes.
— Il m’aimait, je l’aimais, il m’a trahi … je l’ai tué…
— Et d’une manière moyenâgeuse …
— On ne fait pas mieux, actuellement.
— C’est vrai mais c’est pour la bonne cause, l’exemple.
— J’avoue … à cet instant …. que … je n’ai jamais su aimer. Pour moi … c’est une révélation.
— Trop tard.
— Oui, trop tard…

Et le solide bourreau le prend à bras-le-corps, et le jette, par-dessus le garde-corps du pont, dans le lac de méthane en ébullition à moins 161°.

© Max-Louis MARCETTEAU 2020

Le Bonheur, le cœur bien propre sur lui


Teille Mouzeil sculpteur Jean-Claude Lambert
Photo ©Iotop2019

Agenda Ironique Décembre 2020 : Flyingbum (Merci à Laurence de l’idée d’écrire un dialogue)


Il sonne : je n’ouvre pas. Il sonne : je reste muet. Il sonne : il m’énerve. Il sonne : je fais la sourde oreille. Il sonne : je prends l’apéro…

Le Malheur est à ma porte (à ne pas confondre avec Mahler). Il souhaite être invité. Je dis : non. Qu’il aille voir si j’y suis… ailleurs. Il me harcèle tous les jours du calendrier Grégorien.

Le Bonheur est chez moi et nous prenons le bon temps, foutre-Dieu ! Et cette calamité qui vient vers moi.

— Ouvre-moi !!! crie-t-il
— Rien à faire ! Va te faire embaucher ailleurs !
— Tu es sur ma liste !
— Sûr que ce n’est pas une liste de courses ! répond le Bonheur qui sirote quelques plaisirs de ma table.
— Tu ne peux pas passer ton tour !
— Et pourquoi pas ? réponds-je
— Le Bonheur, il le sait, lui !
— C’est vrai que tu le sais, toi ? Rétorque-je au Bonheur les yeux malicieux.
— Sûr que je sais !
— Alors ?
— Pour faire court, depuis la mise en ménage de la Béatitude et du Désastre on a décidé de couper la poire en deux comme on dit par chez nous. Chacune de nos obédiences se devait de réagir. Ainsi, il n’y a pas embarras de choix, sauf exceptions, les hommes se soumettraient au même poids de malheurs et de bonheurs, tout cela ratifié avec le Destin et son épouse la Fatalité.
— Dites-moi que je rêve ?
— Non ! s’exclame le Malheur qui tambourine à ma porte. (la sonnette ayant rendu l’âme… c’est un signe).
— Il va me bouillonner ma journée, dis-je en marmonnant, me tartinant une crêpe de confiture à l’abricot.
— Il va sans dire que je dois courber l’échine, m’avoue le Bonheur avec une moue qui n’est pas s’en rappeler les heures graves de l’épi de pain durcissant dans la huche du même nom.
— Tu veux faire mon malheur, c’est ça ?
— Non, non, répond le Bonheur, le cœur bien propre sur lui.
— Tu me condamnes !
— Ne soit pas si futile dans ton discours. Ce moment passé avec moi est à garder précieusement dans ton âme. Et puis, un petit malheur, ce n’est qu’une petite dose d’arsenic à digérer.
— T’es un comique, Monsieur Bonheur, ça fait plaisir à entendre, dit le Malheur qui vient d’entrer portant la Détresse en bandoulière.
— Mais …mais comment … ? dis-je au Malheur, avec toute la surprise, la déconvenue cousue sur mon visage.
— Tu sais, je reste poli en sonnant ou frappant à la porte, mais les gens ne veulent pas me voir, m’ignorent comme la Misère qu’il croise et tourne le regard vers l’autre trottoir ou font semblant de zyeuter leur téléphone portable.
— Alors, tu entres par effraction !
— Holà ! Doucement ! Je préviens, j’annonce, j’avise, j’informe, j’alerte, il m’arrive même de mettre la puce à l’oreille …
— Eh oui, il est honnête, le Malheur, concède le Bonheur qui vient de se lever et de boucler son baluchon.
— Je t’en conjure, Bonheur, reste !!! crie-je
— Allons, un peu de courage … que diable, souris béatement Bonheur.
— Et si vous restiez tous les deux ? Hein ? Avec moi, là … c’est une solution convenable.
— Tu tentes de négocier l’innégociable ? me répond Malheur qui dépose son sac de poisons à ma table que le pain se rassit à vue d’œil …
— Bon jour chez toi, me lance euphorique, Bonheur en franchissant ma porte.
— «Retenez-moi… ou je fais un malheur !»

© Max-Louis MARCETTEAU 2020

Cinquantenaire d’une belle tournure de corps

femme cinquante elegante chapeau -Photographe inconnu
femme cinquante élégante chapeau
Photographe inconnu

Blog oulimots contrainte écriture


Il lui semblait avoir une tête de potimarron après l’ivresse de la soirée qu’il venait de passer dans le château de la belle au bois dormant surnom de la comtesse cinquantenaire d’une belle tournure de corps qui l’avait invitée alors qu’il faisait le poireau devant un cinéma suite à un rendez-vous pris sur un site web de rencontres qui s’était avéré être un lapin …

Il avait des souvenirs par flashs depuis qu’il était sous la douche un peu fraîche comme la nudité de ce matin dont la rosée s’éveillait à l’orangé d’un horizon bancal et défiguré par les nuageux cumulus baluchonnés en voyageurs éphémères qui n’attendaient pas à se faire enguirlander par les nimbostratus maous…

Il faisait glisser son savon bio à la courgette sur sa peau délicatement robuste comme une belle carrosserie de mustang qui devenait verte par effet d’une composition instable et ne s’étonna pas de ce changement au climat de son état entre deux eaux, qu’il se rappelait que la comtesse l’avait bousculée à la sortie du ciné après la séance de quatorze heures dix, lui qui faisait le pied de grue et que matait une aubergine

La pomme de douche en main, l’eau se déversait d’un corps à corps avec lui-même se découvrant un moment de bonheur qu’il se demandait comment il avait cédé aux avances de la comtesse si ce n’était son allure bon chic bon genre avec son trench-coat beige et sa robe fourreau poivron jaune clair unie avec poches ou son sourire en coin, ses yeux de biche ou tout simplement son parfum N°5 ou peut-être bien sa voix qui l’avait envoûté…

Il faisait ses premiers pas à l’extérieur de la douche italienne que la comtesse se présenta toute … inattendue qu’elle lui claquât sa fesse droite qu’il rougit comme une tomate au milieu d’un été possédé d’une sécheresse à dénuder les écorces des arbres, qu’il n’avait pas, ni feuille de vigne ou de salade seulement sa main gauche pour cacher sa modeste verge :

— Alors, mon chou, on fait sa midinette ? Hier au soir, tu avais un meilleur répondant !
— Hier au soir, était un autre jour. Aujourd’hui, je ne veux pas me faire déguster par une mante religieuse.
— Et si j’étais une veuve noire ?
— Raison de plus pour ne pas contraindre ma vie à subir tes démons de midi.
— Goujat !
— Non, c’est un constat !
— Profite au lieu de constater, juger, condamner … à la barre des témoins … faire la fine bouche, dénaturer de ce que tu as joui, déposséder ce que tu as possédé toute une nuit …
— Holà ! Je suis d’une nature délicate moi ! Je souhaite encore profiter de contrées inconnues et ne pas me consacrer à un seul territoire !
— Tu as la langue bien pendue, autant que pour pratiquer un cunnilingus.
— Un compliment ?
— Un compliment car je ne suis pas avare moi !
— Holà ! Doucement, ! … une nuit avec toi c’est Austerlitz devant les Russes, c’est Mohamed Ali devant George Foreman … bref, je suis essoré ! Ok ?
— Et moi, si j’en redemande, beau goujat ?
— Je déclare forfait !
— Immature !
— Femme fatale !
— Soldat sans munitions.
— Hystérique !
— …

Deux mois plus tard, ils se marièrent et n’eurent qu’à jouir … de la vie.

© Max-Louis MARCETTEAU 2020

La plaine défiant les ombres par sa nudité

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Au clair de Lune, le cyclope dévisage Sélène à l’heure du thé de minuit à pleine vue sur son belvédère qui penche sur l’angle aigu de la plaine défiant les ombres par sa nudité …

— Tu es trop belle, Lune.
— Ton regard est douloureux, ta voix trop grave.
— Je souhaite te rejoindre pour l’heure.
— Un coup de blues ?
— Un retour vers l’essentiel.
— Il te faut une couleur bleue sur l’azur d’un regard … moi, je suis d’un clair cendre …
— Je souhaite l’oubli, le souci..
— Le réconfort …
— Oui, le réconfort.
— Ne soupir pas.
— Tu es l’œil du mystère et moi l’œil de la monstruosité.
— Arrête !
— Je suis né d’un accouplement d’une désillusion et d’un espoir …
— Pourquoi cherches-tu à te bouleverser l’âme ?
— A la racine de mon origine, des hommes ont torturé mes lointains ancêtres pour essayer sortir une imposture de la Vie …
— Vas-tu cesser ton récit insoutenable !
— … car il est aussi le tien !
— Arrête !
— … et d’un homme plus pervers que les autres, tourmenteur, magicien des ténèbres a énucléé l’un des miens pour se rendre à l’évidence que son œil ne percevait pas l’avenir …
— Je ne veux plus t’entendre …
— … de rage il plongea l’œil dans un chaudron à la mixture à l’odeur écœurante et à son étonnement, l’œil se mit à gonfler, gonfler…
— Pourquoi me faire souffrir !
— … tel que, qu’il s’extirpa du chaudron, qu’il roula vers l’extérieur sans que rien ne l’arrêta sur tous les paysages inconnus et connus du monde, en quelques jours, et se griffa jusqu’à une souffrance insupportable …
— Tu es ignoble …
— … qu’un Vent charitable pour le soulager l’emporta dans ses bras, mais il s’échappa très très loin dans les airs pour se perdre dans l’Univers …
— …
— … et pourtant, ne voulant pas quitter tout à fait sa Terre natale, il se fixa à jamais dans le ciel …
— J’ai trop mal, encore …
— Tu es cette part de moi-même et cette souffrance à cœur d’exister …
— Ne pleure pas… tu es mon éternité …
— Je suis le dernier de mon espèce …
— Je suis là …
— Tu me manques …
— Toi aussi …

© Max-Louis MARCETTEAU 2020

Une pie pied-bot sur une branche d’automne

Banc Montsoreau – Iotop 2020

Blog oulimots contrainte écriture


Il était une fois un banc public en marbre esseulé sur une hauteur. Hauteur indéfinie et palpable par le regard trop étroit pour ne pas ressentir l’effet entonnoir d’un horizon possédé de sa toute puissance d’animer un lointain qui n’a pas de nom et dont la destination se cherche comme égarée par la perte irréversible de la boussole son amie …

Quoi qu’il en soit, ce banc que déstructure l’œil d’une pie pied-bot sur une branche d’automne est d’une allure lugubre. Le malaise a sa signature aux quatre pieds herbeux de tous les âges et devine que la pie pied-bot semble sensible à la déchéance de son ami le banc hanté par une angoisse ancienne …

— J’ai froid ! dit le banc.
— Je n’ai pas le beau plumage d’un canard mandarin pour te couvrir, répond la pie pied-bot.
— Amie, tu es belle par tes paroles…
— Je te revois recevoir tous les jours de l’été les égarés de la vie sentimentale par ton envoûtement… prêts à se jeter …
— Je me sens … envahir d’un effondrement inexorable…
— … et si d’un trait de plume j’effaçais le gris de ton domaine intérieur ?
— Laisse … laisse-moi souffrir de ses brisures du temps qui me piquent à mille endroits à la fois … et cependant me font vivre …
— Ne soit pas orgueilleux !
— Si tu pouvais me faire évader de ce lieu…
— Je serais triste de ne plus te voir, moi.
— Ne soit pas égoïste…
— Notre complicité indissoluble ne devrait pas s’envenimer d’adjectifs irritants.
— Mon automne me saisit les veines perméables à la pluie de millions de voix aiguës transperçant les méandres de mon incertitude.
— Tiens, voilà une femme … une autre égarée … il est bien tard …
— Mes quelques mots ont atteint l’essentiel de son âme maussade…
— Je veux bien te croire.
— Voilà mon réchauffement …
— Va-t-elle aussi plonger ?
— Faut-il l’espérer.
— Elle est brillante …
— Babioles ou pas, tu vas pouvoir te faire plaisir.
— Elle s’assoit … elle pleure…
— Enfin une bonne nouvelle.
— Le précipice est à deux pas …

Les deux compères, dont l’un se nourrit du désespoir et l’autre de bijoux, comptent leur énième victime sur leur boulier commun de leur souffrance …

© Max-Louis MARCETTEAU 2020