Ce vaisselier centenaire me scrute
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A l’heure de mon repas journalier ce vaisselier centenaire me scrute de ses yeux vitreux … et ce canapé… je l’entends crier à chaque fois que les griffes du chat lui triture la caouane couleur bleue de son teint …
Ma soupe est chaude et je réfléchis la tête … de la cuillère dans le bouillonnement … elle ne souffre pas … elle …
La lampe du plafond, allumée, la vague d’un tungstène dans l’âme :
— T’as un souci, Paul ? me dit-elle.
— Je souhaite l’oubli.
— Tu souhaites de l’aide ?
— Non.
Et ma cuillère fait dos rond… c’est louche …
— Tu fais ta forte tête ?
— …
— Ne me réponds pas !
— J’en ai ras la soupière …
— Et moi ras l’assiette creuse de tes bouderies …
— Cesse ! .. de me mordre les rebords !
Cela dit, elle n’a pas tort. J’ai le dentier du haut qui racle et qui râle en fond de gorge comme un écho.
— Je te côtoie tous les jours et …
— Précise, dit la cuillère en se retournant et me fixant le plein de son questionnement à ras le bord.
— Tu vas retourner au tiroir.
— Tu es abject !
— Laisse-moi exister au lieu de te plaindre chaque jour.
— Tu vas fricoter avec une autre…
— C’est sûr !
— Goujat !
Et … je l’ai noyée dans sa jalousie pour l’éternité.
© Max-Louis MARCETTEAU 2020