… page borgne à verticale marge pleine au compas planté sur le devant de la scène de la Mer de la Connaissance qui tient les comptes des mots invérifiables s’enlune à mon premier contact …
… S’empiffre les regards d’un Tout de fatras qui se dégorge et s’engorge telle une marée d’écume grasse et puis mon jour s’efface sur l’histoire de ma Lune boisée de mes souvenirs d’une Mer Australe pleine page …
Une page anonyme a été envoyée par un dictionnaire masqué (selon les experts en tout genre amenés à émettre des avis à la fois discordants et concordants selon la position et l’humeur du moment du public toujours avide et curieux par sa nature des mystères et à la fois perdu par le tohu-bohu de ces mêmes experts) au service de la milice police municipale des objets à venir chercher.
A la lecture de cette fameuse page imprimée à l’encre de Chine (cela ne s’invente pas) sur papier recyclé sur des machines industrielles et lavé à l’eau pure et dénaturée par effet, indique qu’une étrange virgule déambule dans les étagères, les allées et même le sous-sol des archives, émanant un parfum de rose qu’enivre jusqu’à ce que mort s’en suive des livres de poche après une agonie digne des films à la Dario Argento.
La bibliothèque est aujourd’hui fermée.
Le maire de la commune a pris des dispositions. Un peu tard profèrent les langues de vipère et a juste mesure disent les plus honnêtes, quand d’autres ne font état que d’un conte pour attirer l’attention pour s’offrir du tourisme à gogo sans sous déliés de pub.
Dans cette page anonyme, il est question d’un autodafé si les livres des éditions Rhododendron ne sont pas libérés d’ici la fin du mois. Nous sommes le vingt. Les jours se comptent ou se décomptent, selon la position des experts qui divergent…
La bibliothèque est aujourd’hui fermée.
Les plus audacieux des experts travaillent d’arrache-pied tout en conservant leur tête froide pour comprendre la fermeture inexpliquée de toutes les issues de la bibliothèque. La conclusion, non unanime, qui en ressort après moult tentatives à comprendre ce phénomène inexplicable : un livre de magie dépressif et persécuté serait le coupable.
Après cette nouvelle retentissante le monde s’use à lire pour découvrir la clé d’un désenchantement dans le marc de café, les cartes de toute nature, dans les feuillages d’arbres millénaires et même à se livrer à des incantations avec des cerfs-volants au clair de Lune. Certaines langues trop pendues disent que ce n’est pas un loisir ni même une occasion de s’élever voire s’occuper avec intelligence… pour ceux qui en ont une, bien sûr.
La bibliothèque est aujourd’hui fermée.
L’occulte fait peur. Il va sans dire tout en disant qu’une évasion de la totalité des ouvrages est exclue. Alors, si les idées s’enflamment, le nombre de livres de poche meure d’une manière exponentiellement alarmante.
Il n’y a pas de revendication et c’est la question qui jamais soulevé (même avec un palan) vient percuter sans ménagement les experts ahuris, qu’un enfant de huit ans pose.
La bibliothèque est aujourd’hui fermée.
De suite un plénipotentiaire est désigné par les forces de l’ordre public dans la ménagerie des experts. Celui-ci n’en mène pas plus large qu’une marge quand il se présente avec un livre ouvert sur le code pénal de l’occultisme et des dragons… en livre de poche.
Il va sans dire que l’encre du livre de magie ne fait qu’un tour. Il se tourne les pages, se fait un sang d’encre en taches d’encre, se froissent toutes les lignes de la page vingt-deux… et quand l’inattendu se réveille, voilà qu’avec un jet d’encre de capitulation il signe sa reddition. Il souhaitait seulement une réédition mais avait omis de l’écrire comme… revendication.
— On demande la page 32, on demande la page 32, on demande la …
— J’arrive, j’arrive, dit la page toute soufflée.
— J’ai le Prologue qui t’attend, ma belle.
— Qu’est-ce qu’il me veut ?
— Demande-lui, patate !
— Tu veux ma page sur ton flan ?
— Rose-moi le flan, c’est mieux.
— Débauché.
— Allumeuse.
— Mine de crayon.
— Attention, tu vas trop loin.
— Tu dois suivre les rites et …
— Nous devons suivre les rites.
— On est bien d’accord.
— Bon alors ?
— On recommence.
— Il est demandé à la noble page 32 de filer sur le banc d’attente du Prologue.
— C’est mieux, déjà.
— Tais-toi !
— Tu vois, tu gaspilles de la bonne tournure !
— Et tu réponds quoi, au lieu de me phraser de la remarque.
— Je réponds : ça déchire …
— T’as fini de rire, hein ?… Tu réponds quoi ?
— Je réponds : y a du lilas sur tes poils …
— Bon, je crois que je vais me froisser et que ton manque de discipline mérite sanction … allez hop !
— Attends, attends …
— Quoi ? J’attends rien !
— Je suis bien la page 32 ?
— Oui, apparemment, et ?
— Et, qu’est-ce tu lis ?
— Euh … rien, t’es blanche.
— Donc ?
— Donc quoi ?
— Vierge !
— Et alors ?
— Et alors, le Prologue, c’est pas un vieux cochon ?
— Je ne sais pas moi, suis à l’index …
— Si, tu le connais obligatoirement.
— Oui …bon … mais, je ne vois pas le rapport.
— Eh bien, il risque d’y en avoir un …
— De quoi ?
— De rapport !
— Et ?
— Et, si je ne veux pas moi ?
— Mais enfin, ce n’est pas mes oignons tout de même.
— Et si j’ai envi de me faire encrer par un ou une autre, moi ?
— Écoute, on perd du temps.
— Du temps ? … on est toujours sur l’étagère, là, non ?
— Oui et alors ?
— Alors, notre temps ne compte pas … il est absent et pour cause …
— Pour cause ?
— Notre lecteur a basculé sur une liseuse …
— Changement d’époque …
— Changement, mon …
— Allons, allons pas de grossièreté
— Je n’ai pas de grossièreté à disposition
— N’empêche que tu allais en créer une, de grossièreté … bon alors, t’y vas ou pas ?
— J’y vais pas !
— Il me faut une raison.
— Je connais la réputation de Prologue…
— M’en fous !
— Moi pas !
— Je fais mon taf.
— Il est beau.
— Bon alors, je lui dis quoi au Prologue ?
— Tu lui dis que … je suis absente …
— Il ne va pas me croire.
— Faudra bien …
— Mais absente de quoi d’ailleurs ?
— Absente, tout court.
— Mais absente tout court, c’est comme si tu n’existais pas ?
— C’est ça.
— Mais tu es devant moi, je te vois.
— Eh bien fais semblant de ne pas me voir.
— C’est idiot.
— Ce dialogue est aussi idiot.
— C’est pas faux.
— Je retourne de là où je viens.
— Oui … eh ?
— Oui ?
— N’oublie pas de mettre le mot fin.
— Fin.
Neufs mots trempés, dévalent l’Alpage et se suspendent in extrémiste à la nommée : La Ligne.
Égarés suite à un orage nommé Tache d’Encre, ils échappèrent de justesse, aussi, à une sécheresse multi-genre nommée Buvard.
Bref, les Neufs ne sont pas dans la meilleure posture pour survivre dans ce milieu hostile, celui de la page blanche maîtresse des lieux qui d’un geste peut froisser son format et se jeter corps et bien dans le premier précipice venu, nommée Corbeille …
Aucune bonne mine tendue pour les aider, pas de secours possible même d’une simple gardienne nommée Virgule et d’un chef de ligne nommé Point. Rien, si ce n’est au loin dans un hamac, le nommé Gomme qui prend ses aises, payé à se la couler douce, un emploi qui ne lui crayonne pas l’angoisse des jours à venir comme d’un avenir dégommé par un dessinateur, la pire des punitions pour cet élément appeler par les anciens Le Bourreau …
Ils viennent de se réfugier sur le territoire de la Marge qui les reçoit avec ce sourire comme une rature au milieu du visage, une aubaine pour elle la réfugiée de la solitude qui n’a pas pire situation que certaines consœurs mise en quarantaine au mieux, elle sourit et dépose pour chacun d’eux une lettre de bienvenue, une tasse de compliments pour ces voyageurs de l’extrême et promet une place pour chacun sur l’une des plus hautes phrases en devenir car elle le sait l’auteur.e ne manquera pas de les intégrer, bien au chaud dans son Histoire …
Mais promesse ne vaut pas paiement. Et rien ne se passa … le froid de la page engourdit les neuf mots et la Marge disparue sur le flan à jamais … la page portée par un vent détrempé se transforma en un feuillage blanc au contact de la neige et puis se volatilisa …
Le devenir de soi à la macro nourrice du lait
Verbal de la voix propice à ouvrir les univers
De l’identité par l’écho démailloté au rouet
Défi toute sensation d’existence… sincère
Et l’appât de la déviance est un ennemi
Qui s’infiltre et devient vipère compère
A l’itinéraire pirate tranche l’empathie
Les nerfs des mots crient à l’amnistie
La page est brûlée comme la cervelle
Tout est là éparpillée tombes d’orties
Le sang vif s’enfuit au stylo scalpel
De la vie taillée… la poésie s’engloutit !
A l’écriture imbuvable, l’encre pleure son sang sur les lignes déformées de l’absurde. La chair putride des mots se répand sur la route hérissée des ratures. Les mots sont des sexes par lesquelles naissent des définitions qui se proclament prince de sang noir, la magie ouvre les portes des alchimistes en herbe, à la tisane assassine, à longuet urticant, la voix s’égorge dans un râle que ne saurait recoudre un légiste après une autopsie. Aux traits de lumière, frise les mots. Les yeux se pendant aux lampadaires de l’angoisse. La première page prend la peur comme compagne, se froisse devant la rebelle impudeur, se couvre de honte aux fautes, frappe la fin du début, au point maton, les virgules accrochent les iris, transpercent le blanc et coule l’humeur de la mort en linceul, le lecteur vient de perdre la vue.
La page blanche ne se laisse pas prendre au piège de l’encre si facilement. Il y en a de celles-ci, aussi, qui veulent rester des vieilles filles. Seules quelques ratures s’imposent comme quelques baisers pris dans la pénombre, lors d’une fête, loin des regards inquisiteurs. Au fil des années, elles se froissent, rides qui s’accentuent avec l’amertume et jalousent leurs congénères abreuvées de mots cousus de belles phrases.
Bref, nous pourrions écrire de pleines pages sur la page . . . vierge 🙂