Le froid pince comme un crabe

Porte_beaune_Iotop_2018_01

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Les petits cahiers d’Émilie – Les plumes d’Asphodele – du 08 au 12 mai 2019


Il est minuit. Je suis sorti de mon duvet. Le froid pince comme un crabe. Je ressens l’horreur de ma situation pour la première fois. Une envie de vomir tous mes joyeux souvenirs d’aimer sur la plage du bonheur qui n’avaient rien d’autres à faire qu’à me procurer une vie aux pages savoureuses…

Et puis, il a suffi d’une fraction de temps qui a buté sur la partition de ma destinée et me voilà culbuté dans le dehors, le feu de la peur et le miaulement d’un chat égaré qui se frotte à mes bottes de cuir griffées de trop de chaussées délavées, de lits de fortune, de cartons déformés et crasseux …

Je suis pris de ce vertige qui semble venir du fond de mes entrailles qui se révulsent comme un volcan trop longtemps contenu de sa lave de rage et de tourments, j’avale quand même un sirop d’air étouffé de ville qui vient de se réveiller sur les parvis de la misère, au froid des peaux qui recherchent le réconfort, un peu d’attention pour continuer à frôler un semblant de vraie vie …

Et puis, je commence à me faire un film d’espoir, je me souris à moi-même, je respire ma nouvelle condition de quelques semaines et vais rejoindre la rue de l’espérance. Ce soir, je ne vais pas jouer à la roulette russe. Non, non. Je ne vais pas prendre ce risque pour gagner un semblant d’argent, un semblant de survie, un semblant de rien. Je veux avoir ce réflexe de celui qui se noie. Ce soir, je vais me prostituer…

© Max-Louis MARCETTEAU 2019

Je me joue la pièce manquante

Dessin de Arthur Art Adams

Dessin de Arthur Art Adams

Blog popinsetcris contrainte écriture (mots définitions)


J’ai le sirop de l’imaginaire au fond de la carafe, le sucre des mots dilué dans le pain perdu et le fourneau de la fatigue qui me cuit à point. Il me faudrait un remontant. Une femme, par exemple. Genre bon chic, bon genre, en jupe ou robe fourreau …

Il est vrai qu’une boisson chaude, un café par exemple, pour supporter mon moi-même, mon désœuvrement et mon espoir en continuel opposition, tension, lutte parfois violente, pourrait me relever de mon apathie.

Même pas un grain de café … il faudrait que je me bouge, acheter au magasin du quartier … et prendre aussi une belle bougie… tient … me préparer un repas à la chandelle … avec le regard vide de toi mon Amour … une assiette de reproche et un verre de regrets … tout est là … je froisse mes derniers souvenirs et ta voix qui m’échappe une nouvelle fois … et te voilà devant moi hologramme muet, tu souris et ta main vient vers moi et ma main saisit … le vide …

Il est onze/trente, tu es en moi en plein jour de ma dépression … tu me possèdes, je suis le pilleur de ton bonheur passé et nos avenirs prennent chacun une tasse amère …

Je me joue la pièce manquante et nos personnages sont des fleurs qui se fanent à la mélodie de l’Amour qu’une guitare répudiée par un artiste paumé épanche sur le trottoir et … ma corde au cou qui s’impatiente …

© Max-Louis MARCETTEAU 2018