Les petits cahiers d’Émilie – Les plumes d’Asphodele – du 08 au 12 mai 2019
Il est minuit. Je suis sorti de mon duvet. Le froid pince comme un crabe. Je ressens l’horreur de ma situation pour la première fois. Une envie de vomir tous mes joyeux souvenirs d’aimer sur la plage du bonheur qui n’avaient rien d’autres à faire qu’à me procurer une vie aux pages savoureuses…
Et puis, il a suffi d’une fraction de temps qui a buté sur la partition de ma destinée et me voilà culbuté dans le dehors, le feu de la peur et le miaulement d’un chat égaré qui se frotte à mes bottes de cuir griffées de trop de chaussées délavées, de lits de fortune, de cartons déformés et crasseux …
Je suis pris de ce vertige qui semble venir du fond de mes entrailles qui se révulsent comme un volcan trop longtemps contenu de sa lave de rage et de tourments, j’avale quand même un sirop d’air étouffé de ville qui vient de se réveiller sur les parvis de la misère, au froid des peaux qui recherchent le réconfort, un peu d’attention pour continuer à frôler un semblant de vraie vie …
Et puis, je commence à me faire un film d’espoir, je me souris à moi-même, je respire ma nouvelle condition de quelques semaines et vais rejoindre la rue de l’espérance. Ce soir, je ne vais pas jouer à la roulette russe. Non, non. Je ne vais pas prendre ce risque pour gagner un semblant d’argent, un semblant de survie, un semblant de rien. Je veux avoir ce réflexe de celui qui se noie. Ce soir, je vais me prostituer…
© Max-Louis MARCETTEAU 2019