À l’énième clair de Lune, Apathu s’enhardit et progresse comme la tige de bambou qui est sûre d’atteindre le sommet de son rêve, là-bas, le ciel à portée de feuilles. Toute son énergie à lutter contre le sommeil naturel, a entamé ses forces. Il est devenu un gisant sur une branche, un fruit en aquarelle accrochée par dessein de calquer une nature morte, une ombre spoliée de sa lumière, un vivant statufié par effet de la sculptrice mère nature intraitable.
Il en est là de ses pensées paraboliques spiralées à la sauce philo-anthropo-décadente, qu’il est cueilli par une vision dès plus inattendue. Une feuille Erythroxylum coca danse majestueusement au-dessus de lui une chorégraphie hélicoïdale à double vrille crantée. Il est médusé à ce spectacle hors du commun comme si une fièvre de cheval avait ouvert un espace cortexal à cet instant précis pour l’embarquer sur la pirogue de la folie ballottée par un fleuve de sueur aux reflets aurifères.
Il tendit une patte vers cet objet volant à l’identification reconnue dans sa base de données dont l’origine remontait à ses ancêtres et entre deux griffes, il pince la feuille, délicatement. Il n’en croit pas la réalité. Il se demande s’il ne rêve pas. Il dévisage ce membre végétal avec respect et d’un geste sacré, le pose sur sa langue, mâche tranquillement toutes les vertus, qui se combinent dans son organisme en peu de temps.
Il se sent renaître ou naître différemment. Comment était parvenu jusqu’à lui ce divin réconfort ? Il n’en sait rien. Le destin a peut-être son mot à dire, si ce n’est la providence devant tous ses efforts à rejoindre Ouatie, l’aide à sa manière et dans la mesure de ses moyens.
Il s’agrippe à chaque branche avec aisance, voire avec une rapidité soutenue qui ne lui est pas coutumière. Il est heureux. Enfin, il allait retrouver Ouatie, sa noble et fière femelle. Et d’arbre en arbre, comme de territoire en territoire, il avance sans qu’aucune résistance ne lui fasse front, tant et si bien, qu’il se demande si le chemin qu’il emprunte est bien le bon.
Il a comme un doute. Une fissure dans son itinéraire s’élargit au fur et à mesure comme la faille de San Andreas. Il y a comme qui dirait, une erreur de trajectoire à défaut d’objectif.
Il s’arrête net. Position incongrue, tête en bas, écartelé en deux branches, de deux arbres différents, ses pensées tourbillonnent, de bas en haut et inversement, comme un yo-yo. Il doit se recentrer sur son parcours, le plus juste et le plus court.
© Max-Louis MARCETTEAU