
Oeuvre de Richard Blunt
Souviens-toi, quand pour la première fois j’ai apposé ces mots au creux de ton oreille : « – Tu es ma Reine, je suis ton Roi ». Qui de nous savait à ce moment-là que tu allais devenir cet As pic et moi cet As de carreau ? Nous étions de cœur dans un champ de trèfles, loin d’un jeu des sept familles que nous avions mis dans un album photos souvenirs.
Notre rencontre était improbable et pourtant souhaitée, là au fond de notre âme, en filigrane. Nous étions impérissables, inséparables, insouciants comme des adolescents, conscients de nos différences. Le monde s’était toi et moi. Un cordon ombilical s’était formé (césure d’autant plus douloureuse lors de la séparation).
Nous étions ivres sans perdre conscience. La marge de la vie nous accueillait comme elle accueille tous les amants, impartiale. Tout amour est unique et pourtant les ingrédients, la formule, sont identiques, seuls les protagonistes et la mise en place de la Rencontre, diffèrent.
Qu’importe l’âge, la couleur, l’obédience, la beauté, … le seul trésor est un NOUS que rien ne vient, de l’extérieur, bousculer, détruire. Nous avions construit cette bulle selon les normes en vigueur, naturellement. Cependant avec le temps, nous avions créé notre propre anéantissement. Paradoxe et pourtant inévitable réalité de l’amour fusionnel qui pose la question : sommes nous prêts à nous aimer sans concession ?
Nous étions devenus des joueurs d’échecs. Nous étions prêts à tout et prêts à rien ! Un genre de néant nous a happés. Une agonie s’ensuivit comme un malade qui de sa souffrance veut en finir et s’accroche à sa vie tel un alpiniste qui a décroché, suspendu dans le vide et que rien ne peut arrêter son éminente chute si ce n’est un secours improbable.
Inévitablement notre propre perte s’est accomplie : nous avons chuté.
Fractures multiples, traumatismes divers, on ne pourra jamais payer la facture de notre séparation.
Nous sommes devenus des SDF de l’Amour, à la recherche d’un nouveau toit. Nous l’avons trouvé, mais à quoi ressemble-t-il ? A un refuge !
© Max-Louis MARCETTEAU