Mon sang qui n’a rien de vraiment rouge

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Aujourd’hui je m’embarque dans l’un des trente-trois wagons d’un train en partance pour l’inconnu.

J’installe ma modeste personne dans un siège au confort pilote de ligne le café en moins et la perfusion en plus.

J’avoue avoir été condamné pour non respect du code ZE-RT-1.02.4587M

J’assume cette punition.

Je respire à la façon d’une chrysalide et m’endors tel un chat en fin de vie à l’intérieure d’une solitude bien ancrée dans les profondeurs connues de moi seul pour une chair trop froide pour réchauffer un cœur à demi éteint en compagnie du malaise à fleur de bouche que dessinent des lèvres salées au service de larmes en cristal faisant l’écho aux jointures des articulations craquantes et aux grincements de mes frissons intermittents…

Un sautoir de surveillance gère la transition du réel vers l’improbable voyage qui m’attend.

L’injection du produit rugueux perle se mélange à mon sang qui n’a rien de vraiment rouge.

Mon insomnie coutumière s’est diluée au contact de mon ex-angoisse et toutes deux mains dans la main m’ont souri comme un dernier adieu.

La vitesse de mes synapses synthétiques augmente graduellement et s’échauffe à la rencontre des origines qui luttent jusqu’à la perdition de leur substance nutritive de ma conscience.

Les heures diaboliques se débarrassent de mon existence authentique de l’envie qui se fane sur les lobes de mes entrailles et je vomis ma sainte lucidité comme le dernier rempart de mon libre arbitre.

Je reviens à moi lessivé avec un nouveau code d’identification.

Je suis à présent un citoyen… sain.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Ai perdu

Modele Raschelle Osbourne- photo de William Lords - 2010

Modele Raschelle Osbourne- photo de William Lords – 2010

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Je viens une fois de plus me faire cuire un œuf. C’est la barbe ! Ma tendre future fiancée a refusée une Perle des Mers du Sud et me suis endetté à tel point que je vis dans mon étable avec trente-trois vaches et loué mon corps de logis.

Si j’avais eu de l’audace je m’aurais mis en fermage de corps et à défaut signé un pacte avec le diable qui m’aurait remis au moins un wagon d’or. Mais l’or ne fait pas l’amour et moi je suis animé par l’amour, non par le mercantile des choses.

Voilà que j’ai le hoquet… Je range mon beau costume dans l’armoire aux poules que j’aie virées depuis un bon mois. Je les ai déménagées dans l’autre aile du bâtiment de l’étable… avec tout le confort, je crois.

Je reste prostré, assis sur un tabouret trois pieds et c’est moi qui perds pied. Je me lève comme un ressort délogé de son… logement. Je suis un passionné refoulé. Et je crie comme une bête (parmi mes vaches qui meuglent avec ce regard interrogateur d’une seule pièce) nu qu’il me faudrait m’empailler sur le champ…

Je m’agite, déraisonne… je vais me mettre un ruban à cet endroit… de nœud à nœud ça tient… Je me cause, mets en cause, m’étire, et rage, déglutis des mots, sors dents de carnassier à qui me retiendrais et cours en virevoltant, je veux que le monde voit ma détresse si ce n’est le village moqueur et de son cafetier greffé de la belle blonde de la ferme Les Bleuets.

— V’là t’y pas que le Paul est devenu fou à c’trimbaler le nœud tout en mât au vent, la chair sans fringue… et à danser comme un coq qui a perdu sa cote…
— Sers-moi un canon… et laissons le divaguer. Y a une mare pas loin, il va reprendre ses esprits.

© Max-Louis MARCETTEAU 2018