Sa lampe adhère dit-il illuminé… 1/…

Lampadaire_vision_Iotop_2021

Pour la deuxième fois, voici une autre histoire mais cette fois-ci de lampadaire à 4 mains sur une idée de Firenz’ du blog La plume de mouette. Chacun de nous fait paraître le texte de l’autre sur son blog et une photographie.

Chapitres 1 ICI et 2 ICI et 4 ICI et 6 ICI ou l’ensemble des chapitres ICI


Il semble que le jour soit sur le point de tirer sa révérence et moi je dois me mettre au taf. J’aime pas l’hiver, l’hiver il faut que je bosse davantage, je commence tôt et finis tard. Ces efforts ne sont nullement récompensés, pas plus de ménagement, pas de meilleur traitement et je n’ai jamais entendu parler d’un syndicat des réverbères. Je suis donc bien seul face à mes tracas.

Éclairer le monde et la nuit, ça n’est pas une sinécure. C’est affronter tous les temps, grelotter l’hiver et suffoquer l’été, sans que jamais personne ne songe à me protéger, d’un parapluie, d’un parasol, ou d’une couverture. C’est rester planter là, sans bouger, sans grande interaction avec les humains. A part, bien sûr, ces gluants aux mains poisseuses qui s’appuient parfois sur moi au cœur des nuits trop arrosées pour vomir leur excès d’alcool sur mon pied. Ou ces femmes peu vêtues qui m’utilisent pour mettre en lumière leurs atours et vendre à qui le veut ce qu’il leur reste de vertu. J’m’ennuie. Je suis seul ou mal entouré, et de ces humains je n’éclaire que les calvities ou la racine des cheveux, voire les poux. Moi râleur ? Non, réaliste.

Éclairer le monde ici, sur ce bout de trottoir, quel triste sort ! j’aurais préféré être un phare et souligner l’écume des vagues, guider les navires de tout poil tout en faisant la cour aux sirènes… Dans mes rêves les plus fous, je suis une étoile, et c’est sur l’univers entier que je scintille comme une petite loupiotte. Parfois même, je m’imagine soleil ! Soleil, ça a de la gueule, non ? Mais je m’emballe, je m’emballe, et le réveil est toujours brutal sur ce morceau de bitume… Mais qu’est-ce que je sens-là ? D’où vient cette chaleur qui m’empoigne ? c’est quoi cette odeur ?

(Texte Florence)

Se goinfrer jusqu’à la taille

Photographie de Magali Landry

Blog oulimots contrainte écriture


Place Napoléon, les pigeons picorent et les humains pérorent, premier coup de semonce, les miettes de pain et de paroles jonchent les pavés disjoints, faces polies vérolées, un homme attend assis sur un banc vert de fer, le cœur noué et le bas-ventre affamé.

— Alors, mon gros Chat, tu m’attends sagement ? annonce une femme élancée blonde d’ici à là.
— Non, je tue le Temps… grogne l’homme qui se lève telle une plante carnivore.
— Encore un innocent qui trinque.
— Ironie… le Temps n’est jamais innocent.
— Et toi, le Tartempion de l’amour romantique, tu crois pouvoir tuer le Temps et aimer ?
— Que cela t’importe, je t’aime avec mon égoïsme et te tuerais d’autant en sa compagnie.
— Holà ! Marchons, mon gros Lapin, tu vas détendre ton inspiration nuisible.
— Prenons table et mangeons à se goinfrer jusqu’à la taille.
— Prenons lit car ton appétit est bien à ce niveau là…
— Comme tu veux, mais garde tes excès.
— Tu es mon épée, je suis ton fourreau…
— Quelle rengaine !
— Jeu de mots ou envie de monter à la charge ?
— On prend ma voiture et direction une chambre d’hôtel…
— Tu feras de moi ton autel, mon gros Basilic.
— Gourmande assoiffée de toi…
— Non ! de toi, mon gros Grognon…
— L’hiatus se porte bien en ton domaine.
— Je porte bien en bouche, tu le sais mon gros Grizzly
— Tu portes tout en toi ce désir charnel et de débordements.
— Je suis ta fontaine de jouissance et te livre mon corps encore comestible.
— Viens ici ma Cigale que je te dévore…
— Oooooh, oui mon gros Criquet !

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Les inconsommables contrefaits pourtant souriants

Photographie de Irina Dzhul

Agenda Ironique Décembre 2021


Il est minuit. Le charbonnier rentre chez lui tandis que le ramoneur à tintinnabuler en branlant du chef descend lentement d’un toit à la pente bien pentue au reflet d’une pleine Lune qui baille entre les nuages racoleurs et poursuiveurs tels des poissons rouges dans un bocal sans coins.

Il est minuit une. Une orange roule depuis quelques minutes sur les pavés centenaires de la rue des Trois Patates, échappée d’un filet à provisions usé de recruter les défigurés légumes, les rejetés fruits, les inconsommables contrefaits pourtant souriants de vitamines et de vies mais délaissés par leurs aspects rebutants.

Il est minuit deux. Un millier d’étincelles font la fête dans la rue des Quatre Fraises perpendiculaire à la rue des Trois Patates en compagnie d’une meuleuse toute guillerette de tourner plein régime au pied levé quand la main du rémouleur tient d’une main ferme et confiante une lame traversière de chair qui n’en mène pas large sur ses deux tranchants.

Il est minuit trois. Le charbonnier écrase l’orange et bouscule le ramoneur par croisement de chemin et de destin que la lame du remmouleur crie sans crier gare et ainsi relevant le bras de l’homme et par effet à écarquiller ses yeux d’un bleu acier qu’un introït impromptu s’annonce au point d’orgue de cette situation inattendue.

Il est minuit quatre. Le ramoneur tombe à jeûne depuis la veille qui elle-même ne sait pas dans quel temps elle évolue mais qui laisse percevoir le moyeu intra-véhiculaire de l’horloge du temps qu’elle n’est pas loin d’avoir raison sur son état aux rayons près d’une formule à la Pi qui semble être le centre de ce drame.

Il est minuit cinq. Les jeux sont faits, rien ne va plus. Le rémouleur ressent un danger qui n’est pas le sien et une peur que le Saint du Jour à cette heure de la nuit ne sait à quel Saint se vouer, s’enhardit et conçoit une modeste prière sur sa Bonne Étoile, qu’il poignarde proprement le charbonnier qui semblait déjà une ombre sous le réverbère de service.

Il est minuit six. Le Père Noël, en retard et malchanceux ce jour-là, s’empale sur un conifère décoré comme un sapin de Noël, se transforme en étoile sur la cime et laisse à loisir les habits au pied de l’arbre quand le rémouleur essuie sa lame sur le revers de sa manche sans regret, revêt le déguisement qu’à ce moment-là, la police nuiteuse (et pas en nuisette) embarque le ramoneur pour meurtre du charbonnier.

Il est minuit sept. Le faux Père Noël rentre chez lui, embrasse ses enfants et sa femme, le cœur léger. Ainsi est né l’esprit de Noël.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Autres secrets sans être agent

Photographie de Miguel Campos

Sur une idée de Lazuli Biloba le 08/12/2021


— Oh ! Y a quelqu’un ?
— Qu’est-ce ? dit Secret de derrière la Porte.
— Je suis un secret.
— Et ?
— Je souhaite être des vôtres.
— C’est quoi ton secret ?
— Je ne peux le divulguer.
— Bien dit. Il porte sur quoi ton secret ?
— Secret d’État.
— Diantre, voilà qui est alléchant. Tu peux m’en dire davantage ?
— T’avouer que je suis détenteur d’un secret d’État, c’est déjà m’exposer et me mettre à jour.
— En effet, te voilà indéfendable.
— Indéfendable, indéfendable, c’est à voir, dit à voix haute Secret de Polichinelle qui s’impose.
— Ah te voilà ! toi, dit Secret de derrière la Porte.
— Messieurs, dit Secret d’État, de la retenu, l’Esclandre n’est pas bien loin.
— SILENCE ! s’exclame le Mur à des Oreilles.
— Bon alors, on va faire court, dit Secret de derrière la Porte, on va chercher le doyen des Secrets d’État, il jaugera de ta demande.
— Je suis là, dit Secret d’État doyen.
— Je te croyais sourd.
— Oui, à toute divulgation.
— C’est d’un drôle, murmure le Mur à des Oreilles.
— Alors, jeune secret d’État, tu es porteur d’un quelque chose d’important ?
— Tout à fait.
— Dis-moi tout.
— Ici ? à l’écoute de tout cela ?
— Veux-tu venir au Jardin Secret ?
— Ce n’est pas le meilleur confessionnal.
— Ne t’inquiète pas, Secret de Fabrication a bien fait les choses.
— Bon.
— Alors, dis-moi.
— Eh bien, ce secret c’est …
— C’est ?
— Eh bien…
— Oui ?
— C’est comment… manger proprement… un mille-feuille…

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Douleur rapiécée de toutes parts

Photographie de Dmitry Arhar

Blog oulimots contrainte écriture


Bienveillance, peignoir serin et visage au fard avenant, fait face à la Douleur rapiécée de toutes parts, installée sur l’une des étagères des griefs, entend le premier mot de celle-ci :

— Alors ? dit Bienveillance
— Le Silence est en retard et la Mort a passé sa journée à bourlinguer et boire plus que de raison… c’est un monde…
— Dites …
— Quoi ?
— Vous entendez ?
— …
— Vous entendez ?
— Non, rien.
— Des clapotis
— Du Morse ?
— Vous y allez, vous…
— Les secrets parlent entre eux…
— Vous êtes à la Rêverie du dernier étage, là !
— Ce n’est pas mon rayon, vous êtes au courant, non ? Si mon compagnon de route Cauchemar se réveille, c’est pas du Morse que je vais prendre…
— Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?
— J’en sais rien ! On attend.
— Il est comment son regard ?
— Entre deux eaux.
— Ça veut rien dire !
— Oooooh, un peu de bienveillance, hein !
— De toute façon à son niveau, le graphique est clair comme de l’eau de roche.
— Et vous me dites à l’instant, que ce que je dis, ne veux rien dire, et vous faites pareillement !
— SILENCE ! dit Silence.
— Ah! vous voilà, vous ! grogne Douleur.
— Eh bien, c’est pas trop tôt pour que nous fermions le ban ! dit Bienveillance.
— Nous voilà tous réunis, annonce solennellement Silence sans préambule, Nous Triptyque faisons attestation devant la Mort – quand elle aura l’aimable envie de se proposer au plus tôt – du décès, ici présent du bipède humanoïde déguisé …

Et la Bienveillance de rajouter :

— Les clapotis… le claquement de ses dents… au clown…

© Max-Louis MARCETTEAU 2021