4 mains : Lampadaire

Sa lampe adhère dit-il illuminé…

Pour la deuxième fois, voici une autre histoire mais cette fois-ci de lampadaire à 4 mains sur une idée de Firenz’ du blog La plume de mouette. Chacun de nous fait paraître le texte de l’autre sur son blog et une photographie.

haut de la page

Chapitre I

Il semble que le jour soit sur le point de tirer sa révérence et moi je dois me mettre au taf. J’aime pas l’hiver, l’hiver il faut que je bosse davantage, je commence tôt et finis tard. Ces efforts ne sont nullement récompensés, pas plus de ménagement, pas de meilleur traitement et je n’ai jamais entendu parler d’un syndicat des réverbères. Je suis donc bien seul face à mes tracas.

Éclairer le monde et la nuit, ça n’est pas une sinécure. C’est affronter tous les temps, grelotter l’hiver et suffoquer l’été, sans que jamais personne ne songe à me protéger, d’un parapluie, d’un parasol, ou d’une couverture. C’est rester planter là, sans bouger, sans grande interaction avec les humains. A part, bien sûr, ces gluants aux mains poisseuses qui s’appuient parfois sur moi au cœur des nuits trop arrosées pour vomir leur excès d’alcool sur mon pied. Ou ces femmes peu vêtues qui m’utilisent pour mettre en lumière leurs atours et vendre à qui le veut ce qu’il leur reste de vertu. J’m’ennuie. Je suis seul ou mal entouré, et de ces humains je n’éclaire que les calvities ou la racine des cheveux, voire les poux. Moi râleur ? Non, réaliste.

Éclairer le monde ici, sur ce bout de trottoir, quel triste sort ! j’aurais préféré être un phare et souligner l’écume des vagues, guider les navires de tout poil tout en faisant la cour aux sirènes… Dans mes rêves les plus fous, je suis une étoile, et c’est sur l’univers entier que je scintille comme une petite loupiotte. Parfois même, je m’imagine soleil ! Soleil, ça a de la gueule, non ? Mais je m’emballe, je m’emballe, et le réveil est toujours brutal sur ce morceau de bitume… Mais qu’est-ce que je sens-là ? D’où vient cette chaleur qui m’empoigne ? c’est quoi cette odeur ?

(Texte Florence)

Chapitre II

Une bouilloire ? Entends-je ? Une odeur de camomille ? Sens-je ? N’est-ce pas que l’on se sustente de mon « jus »* pour réchauffer une substance licite pour m’endormir ou la voie de l’illicite se trace-t-elle à mon insu ? Suis-je au soupçon ou à l’imaginaire ? Le réel me fait constater qu’il est bonne heure, en cette nuit au vingt heures et des poussières, inscrite sur la géante horloge de l’horlogerie que je perçois à mon rayon maximum de vision tout à ma gauche…

Qu’un homme et son barda se sont posés là, à un demi-décamètre de moi, au creux d’une porte cochère de belle conception à la Haussmannienne comme propriétaire des lieux, pourquoi pas, j’en ai vu d’autres, mais qu’il ose se procurer à mon insu de quoi alimenter, par mon noble courant qui a fonction d’éclairer mon modeste territoire des griffes d’une nuit qui attend ce moment le moins inattendu pour commettre ce que la morale réprouve en général, une greluche de bouilloire ou de casserole (une ombre incertaine m’empêche de distinguer) me fait bourdonner la cathode** …

Est-ce un malotru au caractère de chauve-souris qui se nourrit du sang de leurs victimes ou un passager clandestin temporel de la cité voisine qui a échappé au contrôle de l’Intendant Privatif ? Ce n’est pas parce que nous sommes, nous les derniers lampadaires de cette rue déguisée en musée, d’un siècle passé, que je vais me laisser intimider par le premier venu. Aussi, je décide de faire grésiller mon pied à la jonction d’une connexion électrique rien que pour voir sa réaction. Et, elle ne tarde pas.

— Oh ! Le lampadaire !

(Texte Max-Louis)

Chapitre III

C’est à moi qu’il parle le goujat ?! Quelle vulgarité ! Il se prend pour qui ? Il me prend pour quoi ? Imagine-t-il que je vais m’abaisser à lui parler d’égal à égal ? Que nenni, la condescendance s’impose. Le rustre ne parait bien mal éclairé, et je parie qu’au Siècle des Lumières, Voltaire n’aurait même pas voulu de son eau chaude pour mettre dans sa bouillote les soirs d’hiver.

— Qu’est-ce ? Qu’ouïe-je ? Que sens-je ? Quel est ce chien qui vient se soulager à mon pied ? Pouah, quelle odeur infecte !
— Eh oh, le lampadaire, je ne suis pas un chien, parle-moi autrement ! Je suis le Prince Erbeir Kremaloff, descendant de Tzar. Prince déchu, certes, déchu mais aussi déçu de l’accueil que ton pays réserve à la noblesse slave. Aucune déférence, aucune révérence, et me voilà réduit à brancher mon samovar électrique au pied d’un bec de gaz.
— Bec de Gaz ?!!! Oh je sens que la moutarde me monte au nez, et vous êtes bien chanceux que je ne sois pas à gaz, malappris, mes émanations vous auraient couté cher ! Expliquez-moi comment vous pourriez brancher votre samovar électrique sur un bec de gaz, mÔssieur Kremauzeux ? Je suis électrique, moderne, stylé, classé, admiré, et UTILE moi ! Quant à vous, il semble que l’on vous ait coupé la lumière et que vous ayez de l’éclairage public des connaissances qui frôlent l’obscurantisme.
— Oh là, monsieur le lampion, ne vous énervez pas ! Il s’agit d’une simple méprise. Faisons la paix, voulez-vous ? Si vous le désirez, je m’en vais quérir un tuyau d’arrosage, j’en ferai une paille et vous pourrez gouter mon délicieux thé russe.
— Lampion, moi ?! Vous m’insultez !! Et vous croyez que je vais gouter à votre soupe au caillou ? Non mais, il rêve, Erbeir ! Hors de ma vue, galapiat, ou je vais me mettre à clignoter si fort que toute la rue en sera alertée !’

(texte Florence)

Chapitre IV

Les hostilités ouvertes dans la bonne humeur de ce grand jour par ce début de nuit au caractère trempé entre magnétisme électrique et tradition de bonnes mœurs, qu’une luciole, fine fleur de son territoire, en nuisette d’éclairage vert émeraude fait son apparition telle une star en lever de rideau d’une scène mythique… (voire mystique)…
Le lampadaire s’étonne, le samovar s’émulsionne de toute son eau vive et rêve d’une bouilloire en bel apparat prêt à l’embarquer sur un tapis de thé vert sur un jeté de dés diamantés tandis que le Prince Kremaloff suit des yeux la belle éveillée et s’arme de son lance-sortilèges fabrication maison pour l’emprisonner dans sa gibecière d’insectes nocturne séance tenante pour une future préparation…
— J’aime cette soirée au clair de luciole, verse mélancoliquement, au pied du Lumineux, le Prince un tantinet heureux et l’entourant d’un bras robuste genre gladiateur.
— Vous êtes un détraqué majeur me semble-t-il, s’offusque le radiant nuiteux.
— Détendez-vous. Et si je vous massais le haut du mollet, grand dadais ?
— Ne me touchez pas ! s’exclame le lampadaire outré.
— Cool, la perche Radieuse. Je souhaite un moment de répit dans ma vie de vagabond et une hospitalité d’une nuit même si ce n’est pas la meilleure nuit que j’attendais.
— Adressez-vous à l’Armée du salut, diabolique…
A ce moment-là, une ombre surgit…

(Texte Max-Louis)

Chapitre V

— C’est là, exactement là.
— Tu es sur ?
— Oui, absolument, c’est ce que me disent la carte, la boussole, le sextant et le fil à plomb réunis.
L’ombre immense qui avait surgi était en fait celles superposées de deux nains de bitume. La lumière est trompeuse qui allonge les êtres et diffuse des halos que l’on pourrait peut-être prendre pour des signes, signes du hasard ou symboles christiques…
— Alors, que va-t-on faire ?
— Toi, tu creuses, moi je réfléchis.
— Tu réfléchis à quoi ?
— Je réfléchis la lumière, bougre d’andouille, il faut bien que je t’éclaire !
— Et je creuse où ?
— Eh bien, là, sous le lampadaire.
— Oh là, qui va là ?!, gronda l’illuminé perché. Que vois-je ? Deux nains de jardin équipés de pioches et piolets ? Vous cherchez Blanche-Neige ? Eh bien sachez qu’il y a un bon moment qu’elle a décampé !
— Nains de jardin ? Vous vous méprenez. Il y a surement longtemps que vous n’avez vu un carré de pelouse pour ainsi divaguer. Nains des villes nous sommes, nés en zone urbaine de père en fils depuis au moins quatre générations. Regardez donc nos cravates !
— Qu’est-ce qui vous amène ici ? fulmina la perche flamboyante.
La luciole mâchouillait une brindille sortie d’on ne sait où, et observait la scène, amusée. Libre comme la lumière, elle s’était échappée de la gibecière et voletait ici et là pour mieux se réjouir du grand bazar qui s’annonçait.
Quant au Prince Russe, flairant l’embrouille, il se dit qu’il n’allait pas lanterner longtemps ici. Il voulait à tout prix éviter une rencontre avec les forces de l’ordre. Tant pis pour son breuvage divin et pour la divine bestiole, il lui faudrait trouver une prise à jus pour samovar ailleurs, et une autre attraction insectifère. Il s’apprêtait à tout remballer, quand les mots du plus petit des nains vinrent lui titiller les oreilles.
— On vient chercher notre trésor, vous êtes assis, ou plutôt planté, dessus…
Son frère ainé lui colla une taloche pour le faire taire, mais le mal était fait. Le trésor venait, en quelque sorte, de changer de futur propriétaire…

(Texte Florence)

Chapitre VI

Quant au Prince Russe, flairant l’embrouille, il se dit qu’il n’allait pas lanterner longtemps ici. Il voulait
— Voyez-vous ça ? dit le Le Prince à la réception de cet aveu inattendu. Ses beaux yeux bleus gris étincellent comme des brillants à Van Cleef, même qu’on n’est pas loin de la Place Vendôme.
La Luciole s’immobilise. Tourbillonne en trois quarts de tour et crachote des bribes de brindilles devenues des cristaux lumineux qui se plantent sur chacun des nains en tout urbain qui n’y prêtent pas attention.
— Je suis assis sur quoi ? dit le lampadaire pointilleux et clignotant de points d’interrogation.
— Rassurez-vous, Grandissime Rayonnant de Sensibilité dit le nain le plus petit…
— Je me rassure de quoi ? questionne sans attendre le lampadaire qui était à deux doigts de courber son acier de belle facture ciselé entre là et là, vers les intrus gigotants comme un magma de fritures luisantes d’une gêne incommensurable et par le fait non mesurable même à l’échelle de l’embarras.
— Eh ben… ce n’est pas à proprement parlé d’un trésor … mais d’une sorte de trésor …
— Un trésor qui ne serait pas un trésor, pouffa le Prince Kremaloff attentif comme un loup en hiver reniflant une proie facile.
— C’est bien ça… ce n’est pas un trésor au sens… où l’entend en général.
— Eh bien, moi, je n’entends rien à cette histoire de trésor. Je vous somme bien vouloir partir illico presto de mon territoire avant que je ne m’échauffe la cathode voire l’anode !
— Minute ! Monsieur le Phosphorescent, intervient le Prince, il n’est pas dit que ce territoire qui renferme possiblement un trésor vous soit de pleine propriété.
— Que nenni, ce pré-carré est le mien, et je ne vous permets pas de douter de…
— Pas de blabla inutile, persifle le Prince… messieurs les nains, je vous en prie, faites selon votre bon vouloir, et nous jugerons si trésor cela est, vraiment, à nos yeux…

(Texte Max-Louis)

Chapitre VII

C’est lorsque la grande perche lumineuse fit un pas de côté que le Prince Kremaloff se réveilla. Et c’est lorsqu’il se réveilla qu’il se rendit compte qu’il s’était endormi.
— Sacrebleu, comment ai-je pu m’endormir à pareil moment ?! J’ai assurément perdu la tête et le fil de tous les événements, c’est la raspoutitsa !
Il se souvint alors que la Luciole avait laissé choir quelques cristaux lumineux sur les couvre-chefs des nains, mais aussi quelques paillettes sur son propre carafon. Un rien fanfaron, il avait toujours aimé les paillettes, il avait donc accueilli celles-ci avec plaisir et entrain, quelques-unes dans les mains, le reste dans sa bouche grande ouverte. Il réalisait à ce moment qu’il s’agissait en fait de poudre de perlimpinpin, de celle qui vous méduse, vous assomme et vous endort. Il s’était fait berner comme un bleu et en était tout déconfit.
Les nains avaient négocié le déplacement du lampadaire sans trop de difficulté car la Luciole s’en était mêlé et avait obtenu l’accord à grand renfort d’yeux doux et de promesse de futures étincelles à deux.
Dans le carré libéré par la perche majestueuse, la terre ne demandait qu’à être retournée, retournée un peu plus car elle l’était déjà par tout ce changement. Pensez donc, elle venait d’être affranchie du joug de la fée électricité et pouvait à nouveau rêver la torche du soleil.
On remua la terre, un peu, beaucoup, sous l’œil goguenard de Sire Réverbère et le sourire malicieux de Dame Luciole, jusqu’à ce que le bruit des pelles change, s’assourdisse, et que l’on mette à jour une trappe. Au centre brillait un médaillon d’argent représentant un être fantastique et inquiétant dans la bouche duquel se trouvait l’anneau qui permettrait de soulever la trappe. Étonnamment, ou pas, des sons filtraient à travers les jointures, des sons comme de la musique, une musique comme une invitation. Alors les efforts des deux frères se combinèrent pour soulever la plaque de bois vermoulu. Ce qu’ils découvrirent sous cette plaque les laissa sans voix…

(Texte Florence)

Chapitre VIII

Les bouches bées et les cerveaux perplexes comme des cerceaux qui comprennent soudainement que la gravité a un sens dans leur relation au maintien en lévitation, les braves nains se demandaient si ce n’était pas un tour de cochon du lampadaire avec son air goguenard qui était en train de leurs faire prendre des vessies pour des lanternes et que le Prince Kremalof étonnant dans son comportement à rire à l’éclat de la certitude lumineuse qu’ils étaient les dindons de la farce valait tout l’or du monde d’ici à ceux des Univers présents et à venir et même des métavers.
Quand l’inattendu s’invite avec toute la famille des synonymes de déroutant, étrange, imprévisible, sensationnel, déconcertant, les cœurs des petits hommes pouvaient remballer leurs émotions piquantes comme un hérisson commun pris à la lumière d’un flagrant délit de déguster des grillons dodus de son garde-manger.
Car s’il ne s’agissait pas de hérisson directement qui s’illuminait aux multi yeux de ce quatuor mais bien de nouveaux protagonistes de cette histoire par le jeu de grillons, chenilles, scarabées, cloportes, et autres insectes bizarres aux rythmes chaloupés qui jouaient d’instruments faits de graminées diverses et variées aux sons ensorcelants et divins ouverts aux feux éclatants de lampyris multicolores défiant la Luciole de service déstabilisée provoquant un feu intérieur inconnu et dévastateur.
A ce spectacle les nains refermèrent la plaque de bois vermoulu. Il n’était pas question de prendre « ça » comme un trésor ! Il fallait se raisonner et prendre le parti que tout ce long chemin fait en compagnie d’embûches rigolardes et imprévues ne valait pas un tel désappointement.
— Cela ressemble fort à la compagnie des chats dans le fameux Disney « Les Aristochats », riait le Prince Kremalof les dents à la lumière mais contrariées d’être découvertes.
— Je vous prie de ne pas confondre notre réalité… dissocier mon ami, dissocier… interjecta le plus petit des hommes la pelle sur l’épaule, tout prêt replacer la terre à sa place vermoulue elle aussi à défaut d’être meuble tandis que le bitume échaudé dormait le dos rond rêvassant d’être à nouveau une huile minérale…
— Alors messieurs, comme ça vous allez abandonner un tel « trésor » ! dit le lampadaire qui faisait le gros œil, car pour lui il perdait de sa négociation une part qui lui était due, il ne s’était pas déplacé pour des prunes, tout même.
— Messieurs, messieurs, interpella le Prince revenu à la raison du moment, trouvons un arrangement. N’est-il pas possible que ces phénomènes que nous venons de découvrir ne soient pas un trésor à fructifier ?

(Texte Max-Louis)

Chapitre IX

La Russe autorité avait entrepris de soulever la trappe à nouveau. La grouillance souterraine n’avait point faibli, c’était comme une ligne de métro ou deux, aux heures de pointe et en temps de grève. Réalisant qu’il avait presque cohabité et même protégé ce microcosme sombre et peut-être gluant, Sieur réverbère faillit tourner de l’œil et du bec de gaz.
— Mais qu’est-ce donc que cette affaire ? est-ce que quelqu’un peut m’éclairer ? demanda-t-il d’une voix blanche. Il ne diffusait plus à présent qu’une lueur blafarde.
Tous se penchèrent à nouveau sur le monde miniature. Une main caressant leur barbe, les deux nains bredouillaient des sons inintelligibles ponctués de « c’est pas ça qu’on attendait », ou de « Mais à quel moment la légende s’est-elle embourbée ? »
Le Prince russe écarquillait les yeux pour tenter d’apprivoiser l’obscurité jaillissant de cet univers différent. La luciole, quant à elle, ne semblait pas émue outre mesure et continuait à papillonner, ici et là, en toute légèreté.
— Regardez ! croassa Kremaloff. Regardez cette foule d’insectes rassemblés et collés les uns aux autres ! ça pullule et ça bouge comme la plèbe attroupée au moment des soldes, ça gigote et ça remue et ça parait immobile à la fois. On dirait une toison noire, un pelage plein de pattes ondulant sous l’effet d’un vent stagnant… ! Que diable se passe-t-il dans ce recoin lugubre ?!
Les nains s’étaient tus, le lampadaire avait des remontées acides, la luciole souriait. Et tous, tous, avaient les yeux fixés sur la masse sombre.
C’est alors que s’éleva un chant au-dessus des têtes, une mélopée émergeant d’un autre espace-temps, une mélodie pentatonique parfois aigue et parfois grave, accompagnée de stridulations et de soupirs légers. C’était Luciole qui chantait, les ailes habillées de couleurs précieuses et déployées selon le tempo, dévoilant ce faisant un peu plus de ce que sa nuisette dissimulait à peine. Le spectacle était plus que charmant.
A la surprise générale, tous les insectes agglutinés se dispersèrent en dansant-rampant, laissant ainsi voir le trésor qu’ils protégeaient vaillamment.
Alors on distingua la Lucane d’or.
Sous la multitude sexapodée dormait un insecte géant, au corps et aux pattes d’or massif et aux ailes couleur turquoise et Lapis Lazuli.
Déjà à moitié anesthésiés par les chants lucioliques, ceux du dessus de la terre restèrent interdits. Sauf bien sûr le Prince Russe qui ne s’interdisait jamais rien. Et Dame Luciole qui pris son envol, après avoir déposé un baiser sur un œil vitré de Sieur Réverbère. Celui-ci se mit à rougir et à crépiter. Luciole dansa avec frénésie avant de s’engouffrer dans la cavité fantastique, l’éclairant ainsi d’une lumière nouvelle….

(Texte Florence)

Chapitre X

Il n’y avait pas à dire, quand l’extraordinaire côtoie l’improbable l’effet d’émotion ne fait pas semblant de se vivre pleinement jusqu’à l’ivresse des profondeurs et Dame Luciole en était émerveillée de ce corps de géant qui brillait. Sa petite nuisette diaphane n’était pas la tenue de nuit appropriée pour ce moment-là, pour cette rencontre de l’inconnu.
La Luciole était de par sa personnalité curieuse et intéressée à tout. Elle avait, par exemple, un temps lointain, servi comme éclaireuse pour une équipe d’anthropologues-spéléologues-paléoanthropologues-archéologues accompagnée d’un seul podologue et nul ne savaient pourquoi. De ses multiples périples celui qu’elle vivait à cet instant la faisait vibrer d’une telle manière que son métabolisme produisait autant de dioxygène qu’un pied éolien possédé de toute sa tête d’empalée que sa génératrice s’étincellerait d’un fort courant d’excitation par un vent fort émoustillé.
Et émoustillée, elle l’était, la Dame Luciole, devant cette personnalité qui lui faisait face, maintenant :
— Alors petite que cherches-tu ? dit d’une voix douce la Lucane d’or, qu’on aurait cru par son envergure qu’elle eut une voix roque, antédiluvienne, ou d’outre-automne marbré d’hiver.
— Vous êtes de quelle contrée ? demanda-t-elle toute timide.
— D’où je viens ? Je ne sais pas… vous venez de me réveiller.
— Vos pinces sont en or ?
— Je ne connais pas ce mot or… et ma carcasse qui me fait souffrir… dit-elle en s’efforçant d’ouvrir ses ailes.
— Et pourquoi elle vous fait souffrir ? interroge Luciole qui virevoltait pour éviter un coup fatal et s’était posée en contre-plongée sur un instrument tambour graminée.
Les nains, le Prince, Sieur Réverbère et tout ce petit monde de grouillance n’avaient plus qu’une seule respiration. Ils écoutaient.
— Pourquoi je souffre ? Parce que je ne devais pas être réveillée avant plusieurs centaines de Lune. Voilà pourquoi je souffre.
— Vous étiez en léthargie ? Tout ce tapage des sexapodées ne vous a pas réveillé ?
— Ils sont mes geôliers… l’onde de leurs instruments me paralysaient. Cependant ils n’ont pas conscience de leurs actions.
— Vos geôliers ? Instruments paralysants ? Conscience ? dit Dame Luciole à mi-voix comme si elle devait réaliser que le pire pouvait se produire.
— Maintenant me voilà libérée d’un enchantement… dit la Lucane en élevant sa voix de trois tons.
— Mais qui êtes-vous ? s’inquiétait Dame Luciole.
— Je suis la Lucane d’Ore, la Magicienne de l’Ombre !

(Texte Max-Louis)

Chapitre XI

Un peu évaporée, un peu superficielle, légère dans tous les sens du terme, c’est ainsi que l’on percevait la Luciole depuis son arrivée. Dans le contexte hurluberluesque de toutes ces aventures, nul ne s’était étonné de son arrivée soudaine.
Et pourtant.
Sa nuisette qui semblait transparente dissimulait une belle armure, et derrière ses nombreux battements de cils perçait un regard d’acier. Elle n’était pas là par hasard, non, pas du tout. Travaillait-elle pour son propre compte ou avait-elle des complices ? Espionnait-elle le Prince Russe, les Nains ou la Grande Perche ? Quels étaient ses desseins ?
D’une voix teintée de malice, elle demanda :
— Lucane d’Ore, Magicienne de l’Ombre, c’est un titre à rallonge, mais je suppose que l’on peut vous appeler autrement. Avez-vous un petit nom, un diminutif, un surnom voire… un sobriquet ?
— Mon nom est Pan, rétorqua la Lucane dont la carapace changeait à vue d’œil.
— Pan ? Comme ‘Peter Pan’ ? L’enfant qui ne voulait pas grandir ? S’amusa Dame Luciole.
— Pan d’Ore. Mon nom est Pan d’Ore, cela n’évoque rien pour vous ?

Évidemment que ça l’interpellait, la Luciole. Elle commençait à percevoir la dangerosité de l’animal du Dessous de la Terre et tenta de donner le change.
— Eh bien moi je m’appelle Lucie. Lucie de ‘Luciole’, Luciole de ‘Lux’, Lux de ‘Lumière’, Lumière des ténèbres, ténèbres de Lucifer. Vous voyez, j’ai un nom qui ne manque ni d’éclat ni de ressources…
Ébranlée par les présentations peu amènes, elle commençait à perdre ses moyens, perdre de la luminosité, et à avoir des ampoules sous les bras à force de battre des ailes et de ramer.

— Je vois très bien, oui, guttura la Lucane d’une voix rapeuse, sombre et menaçante.
Je ne sais pas ce que vous êtes venu faire ici, ce que vous cherchez, mais je sais que vous êtes venue tôt, trop tôt, beaucoup trop tôt même. Ouvrir la trappe du Pan d’Ore n’était pas une très bonne idée, parce que, à ma connaissance, personne n’a jamais su la refermer. Et si vous pensez savoir ce qui se trouve à ce niveau du monde, je crois que vous êtes loin du compte. Vous avez vu quelques insectes, drôles, vifs, gais, ou répugnants. Mais, somme toute, rien de monstrueux encore. Et pourtant, dans les galeries qui courent sous les rues du monde des Actifs qui brillent, moult créatures extravagantes et redoutables, sinistres et effrayantes s’occupent à de funestes besognes…

(texte Florence)

Chapitre XII

Le Prince Kremaloff à ce moment-là… toussota. Le silence s’attabla sans blabla tablier damier black-blanc en l’espace d’une fraction de seconde (ne sachant pas bien sûr quelle fraction mise en avant), qu’il eut un frisson dans toutes les attentions, et d’un même élan, de tête ou de corps à demi ou entier, tous ciblaient l’importun, et s’interrogèrent de cet excès de présence en cet instant singulier. Comment ? Quelle audace quand Luciole et Lucane se jaugent aux degrés de leur hauteur de cheffes guerrières à en découdre et montrent, à défaut des dents qui font… défauts, leur pedigree !

Il n’en fallait pas plus ni moins pour que le premier des frères aînés des nains nés des villes, pelle à bout de bras à peine menaçante, dit d’une voix douce et sarcastique :
— Retenez-vous la gorge, mon Prince. Sinon prenez le large et rincez-vous le gosier ailleurs.

Sieur réverbère, se pencha et ajouta pour faire bonne mesure, tout de son feu :
— Voyez-vous, on vous observe Kremaloff, crédiou ! Seriez-vous de trop, vous ne manqueriez pas… n’est-ce pas ?

Et Luciole qui grinçait de ses mini-ailes, clignota vivement (et même des aisselles) :
— Vous devriez Prince vous tenir à distance… et vous tous d’ailleurs… il y a un risque certain que les choses prennent une tournure…
— … je ne dérange pas cette réunion familiale ? interrompit sans vergogne, la Lucane Pan d’Ore.
— Ne soyez pas triviale, trancha Luciole la Lucie, on pourrait très bien vous remettre à votre place comme une vulgaire paire de chaussures qui ne s’attend pas à remise… sur pied…
— Vous avez de l’humour… au pied levé, rétorqua la Lucane, qui cherchait à pincer en vain Luciole.
— Holà ! dit-elle tournoyante comme un siphon mais qui remonterait vers le ciel.
— Vous n’échapperez pas à ce qui est de l’ordre de l’indicible écriture des temps Anciens, gronde la Pan d’Ore qui d’un sifflement strident mit en alerte quelques étranges et bizarres personnages qui sortaient pesamment des entrailles d’une terre sombre.

Quand le Prince, de nouveau… toussota.
— Mais enfin ! éleva la voix du Lampadaire qui voyait que le danger en vue prenait un tournant qui le fébrilisait.
— Désolé, coupa net le Prince Russe, je crois cependant qu’il y a maldonne.
— Comment ça, maldonne… qu’est-ce à dire? interroge le deuxième nain des villes qui se prenait à cette conversation surréaliste.
— Eh bien, si la Lucane d’Ore, alias Pan d’Ore, est bien ce qu’elle prétend être, peut-elle dire, par qui a-t-elle été emprisonnée dans ce lieu ?

(Texte Max-Louis)

Chapitre XIII

La question eut un impact inattendu. Toutes occupées qu’elles étaient à leurs joutes verbales, Dame Luciole et Pan d’Ore avaient oublié qu’elles n’étaient pas seules. Les mots du Prince Kremaloff générèrent un arc électrique qui fit grésiller l’ampoule de la Grande Perche, friser les barbes des deux nains, et hérisser les cheveux de Kremaloff. Dame Luciole avait eu le réflexe de mettre ses délicates ailes à l’abri, et s’en tirait avec quelques épis dans son brushing. Quant à Pan d’Ore…
Quant à Pan d’Ore, elle avait sursauté à s’en cogner la tête sur un tabouret dont on se demande encore ce qu’il faisait là, s’était ensuite recroquevillée et avait repris sa couleur d’or d’origine. Immobile, elle fut bientôt recouverte des milliers d’insectes qui la protégeaient avant l’ouverture de la trappe. Sur le point de sombrer dans une profonde léthargie, elle grinça dans une voix chevrotante : « C’est Heeeerrrrr maaaaann »
Puis le silence plomba l’ambiance et les ailes de Pan d’Ore en même temps. Tout alla si vite que le bec de gaz et les bouches en restèrent bée.
— « her man » a-t-elle dit ? s’interrogeait, perplexe, le Prince Russe à haute voix. « Pan d’Ore parle anglais ?! Mais le ‘man’ de qui ? Avez-vous une connexion avec cette affaire, Dame Luciole ? Êtes-vous d’une façon ou d’une autre fiancée ? Mariée ? Êtes-vous la concubine du complice de Pan d’Ore ? Allez, allez, dites-nous donc, dites-nous tout !!
— Que nenni Damier Russe ! Je ne suis point un pion sur l’échiquier de qui que ce soit, et je vous interdis de me parler sur ce ton, espèce de rustre !!
— Elle parlait peut-être de son homme à elle, tenta le Réverbère, embarrassé par ce nouveau rebondissement qui semblait faire encore durer la nuit et reculer le lever du jour et l’heure pour lui de se reposer. Il commençait à regretter sa vie d’avant. Dormir, éclairer, dormir, éclairer, c’était monotone, certes, mais confortable aussi. D’autant que la poigne de fer de Dame Luciole avait quelque peu refroidi ses ardeurs et ses sentiments à son égard. De toute façon, elle était trop petite. De quoi auraient-ils eu l’air cote à cote tous les deux ?
Têtes baissées, les nains restaient silencieux dans leur coin, pétrifiés, statufiés, sauf les mains qui se tordaient à loisir. Leur gêne était palpable.
— Eh bien, vous en pensez quoi, vous, les nains ?! Après tout, c’est vous qui nous avez embarqués dans cette galère dans laquelle on rame sans même savoir la possibilité d’une île !! A votre avis, c’est l’homme de qui, hein ? Le Prince russe, visiblement en manque de thé et de réconfort, vociférait fort comme le Capitaine Haddock.
— Euh… bah… enfin… euh… bredouilla l’aîné, Pan d’Ore parlait peut-être plutôt d’Hermann.

Toutes les oreilles de l’assemblée se dressèrent alors.
— Hermann qui ? Hermann Maier ? Hermann Hesse ? La tortue d’Hermann ? Mais enfin, allez-vous nous dire ??!!
Oui, il était vraiment énervé, le Prince Russe, une mousse blanche commençait à se former à la commissure de ses lèvres et ses joues étaient rouges comme un camion de pompier.

— Le Hermann de Pan d’Ore, c’est notre grand-oncle peut-être ?! C’est lui qui nous a mis sur la piste du trésor, c’est lui qui nous a bercé de cette histoire depuis notre plus tendre enfance. C’est pour lui que nous sommes partis en quête…
— Et il est où, à présent ?
— Eh bien, aux dernières nouvelles, il avait rejoint un sous-sol de la terre en s’élevant à un autre étage du monde.
— Je ne comprends rien à votre charabia ! Il est monté ou il est descendu ?
— Un peu des deux, peut-être, intervint la Grande Perche. Est-ce que votre grand-oncle Hermann est mort ?
— C’est ce qu’un voyageur nous a rapporté, oui, il y a quelques mois déjà…

(texte Florence)

Chapitre XIV

Il était grand temps de s’attabler à l’invitation de la curiosité et boire toutes les paroles tout en évitant l’ivresse de l’extraordinaire à surgir comme un diable à ressort ou à l’ennui par la raison même de son propre état de raison que le déraisonnable à se tenir en première ligne.

Tout ce monde de nuit était attentif au conteur qui s’appuya sur la belle tige du Sieur Réverbère qui s’étonna de la douceur des vêtements du petit homme qui semblait un peu gêné d’entreprendre devant l’assemblée constituée une narration toute personnelle…
— Alors ? est pour aujourd’hui ou pour demain ? S’enfla d’impatience Prince Kremaloff.
— «Minute papillon», rétorqua le nain, qui, finalement, s’assit sur le tabouret dont on ne savait toujours pas d’où il venait et il où il devait aller, mais il est certain qu’il avait sa place à ce moment précis.
— Il est grand temps d’en savoir davantage, nom d’une aile en bois, grogna Luciole. Ce qui étonna, interpella, le Réverbère.
— Vous en avez une drôle voix ? dit-il entre le soupçon et l’interrogation.
— C’est que j’ai dû attraper froid, se confessa la Luciole à la voix devenue féminine.
— Étrange, souffla le Prince qui la lorgna d’un drôle d’œil, qu’elle vibra étrangement et se posa sur le bonnet du deuxième nain.
— Vous n’avez jamais eu mal à la gorge, vous ? dit-elle un tantinet énervée.
— Que vous importe…mais si vous voulez tout savoir, ma voix ne change pas aussi radicalement…
— C’est parce que… toute petite…
— …parce que vous avez été toute petite ? ria le Réverbère qui avait retrouvé sa lumineuse humeur.
— Je vous demande un peu de respect, s’aventura à dire le deuxième nain qui reniflait la Grande Perche.
— De quoi je me mêle? hein? s’étonna le Prince, d’une telle remarque.
— On se mêle de ce qui nous regarde, confirma le premier nain, la pelle à la main, comme un possible prolongement à attaquer.
— On vous attend, vous, pour nous conter ce que votre soi-disant grand-Oncle aurait eu à faire avec cette histoire qui nous embarque sur une drôle de pente, coupa court Sieur Réverbère.
— Bien ! Tout le monde est installé ?

On voyait pointer le premier jour dans les plis de la nuit qui s’étirait sur les bords d’un l’horizon chrysalide…. que le nain toujours assis sur son tabouret, commença :

— Alors, ce voyageur qui avait l’air d’un vagabond à son accoutrement de prime printemps qui avait passé un hiver délavé par un automne bien trempé de toutes les couleurs, était un journalier des nouvelles de Les Quatre. Les Quatre sont l’assemblage des mondes qui se superposent en parallèle dans les profondeurs diamétrales et spiralées des rêves et cauchemars en perpendiculaires à la réalité où naissent les différentes strates de la conscience elle-même liée par contraste à l’inconscience qui pour faire court est une immense peinture murale qui impriment pêle-mêle les ordres et contradictions dont la décision va émerger à un moment où un autre si ce n’est son pendant l’indécision qui amène comme chacun le sait à une déperdition ultra conceptuelle du vivant et qui ….
— Aux faits ! aux faits !s’impatientait le Prince Russe dont la patience avait pris de cette envergure qui ne laissait pas indifférent les autres spectateurs aussi attentifs que curieux de savoir.
— Il faut un préambule, Monsieur le Prince, pour que vous compreniez bien l’environnement de la chose, rétorqua-t-il avec un sourire entendu. N’est-ce pas mon frère, Her ?
— Tout à fait mon frère, Man.

Et les deux frères nains de ce sourire mutuellement devant les protagonistes ébahis, médusés, étonnés.

— Mais alors cette histoire de voyageur et grand-oncle ? C’est de la poudre de perlimpinpin ? s’étonna le Prince.

(Texte Max-Louis)

Chapitre XV 

Le Prince avait le teint rubicond. Entre manque d’air et colère contenue ses vaisseaux sanguins se dilataient et semblaient sur le point d’exploser.  

— Ainsi Her Man, c’est vous, fieffés filous ! C’est vous en deux mots, deux bouts d’hommes hauts comme trois pommes, c’est vous en six pommes donc, soit une tarte bien garnie, une tarte tatin bien retournée et moi je prends une tarte aussi. Qu’est-ce donc que toutes ces salamalecs, ces pataquès abracadabrantesques ?  

— Mais non, le Herman en question, ce n’est pas nous, c’est bel et bien notre oncle. Si nos parents nous ont appelés ainsi, c’est en témoignage de leur affection envers cet oncle chéri. C’est un grand homme d’état, doublé d’un homme d’affaire et d’un aventurier. Dans la famille, tout le monde l’admire.  

— ‘Grand homme d’état, d’affaire et aventurier’ ? Et pourtant il semble que, ici, personne n’en ait entendu parler. N’est-ce pas les amis ? Claironna Krémaloff à l’assemblée.  

— Ne vous méprenez pas, si vous ne le connaissez pas, c’est que vous n’êtes pas de notre monde, rétorqua Man.  

Quelque peu sonné par cette remarque désobligeante à l’égard de son statut, le Prince se rembrunit et enchaîna :  

— Mettez-vous à table à présent. Expliquez-nous donc ce que c’est que cette histoire rocambolesque ! Quel rapport entre Pan d’Ore et votre oncle ? Pourquoi la trappe ?  

— Voyez-vous, nous sommes hauts comme trois de vos pommes, certes, mais nous avons des capacités qui vous sont étrangères. En particulier celle de vivre entre 500 et 600 ans. Et une seule chose peut nous tuer avant que l’usure du temps n’agisse. Or, l’oncle Herman n’a, à l’heure actuelle, que 438 ans, et l’annonce de sa mort par le voyageur émissaire des Quatre nous a secoués et interpelés. Mensonge ou assassinat ? Si mensonge, qui en est l’auteur, est-ce l’Oncle qui fait courir ce bruit pour sa propre sécurité, ou bien une instance autre dont les desseins nous échappent. On nous a donc envoyés pour mener une enquête à ce propos.  

— 500 ou 600 ans, dites-vous ? Eh bien voyons ! Ah qui voulez-vous faire croire de telles balivernes ?! s’esclaffa notre Russe tout bouillant.  

— Croyez ce que vous voulez, ironisa Her, cela nous importe peu. Mais pour votre gouverne, sachez que des portraits de notre oncle se retrouvent en filigranes sur de nombreuses toiles célèbres, peintes au cours des cinq derniers siècles. Rubens, Goya, Blake, Hokusai, Turner, Delacroix, Courbet, Manet, Picasso etc lui manifestèrent leur amitié en signant leurs œuvres et son temps de quelques traits le représentant, souvent dans le lointain…  

Tous étaient muets de stupeur et incrédules.  

— Mais alors, pourquoi la trappe, pourquoi la Lucane, pourquoi son réveil et son nouveau sommeil, demanda Sir Réverbère.  

— La Lucane était une étape vers la révélation du mystère, elle sait des choses que nul autre ne connait. Nous pouvions espérer lui tirer les vers du nez mais…  

— Mais ? s’enquit le Prince.  

— Mais encore une fois, vous avez outrepassé vos droits et posé la mauvaise question. La Lucane s’est renfrognée, refermée sur elle-même, et a repris la voie du Grand Sommeil. Alors que nous avions besoin d’aide, vous n’avez fait que brouiller les pistes…  

(Texte Florence) 

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