La Lune s’invite et le chat s’interroge

Photographie Kaushik Saha

Blog Émilie : récolte 21.08


Il est trois heures du matin. Je me confectionne une tartine de miel sauvage. La Lune s’invite et le chat s’interroge.

J’ouvre la fenêtre. La nuit empeste l’orageux.

Je mâche tranquillement. L’océan ressemble à une perle.

— Tu fais quoi ? interroge ma compagne du moment qui s’est engagée nue et pieds chaussés sur le carrelage en terre cuite à me poursuivre sur le terrain de ma plénitude.

A quoi bon répondre ? Il y a dans une vie trop de questions, trop de réponses qui saupoudrent le vide d’une relation quand certaines sont des arêtes de poissons …

— Je te dérange ?

Oui, tu me déranges. Tu es ce genre de brebis galeuse de l’inconsistance qui circule entre les lignes de vie et que l’on happe par défaut, par inadvertance, au moment d’une distraction ou d’une envie suite à une possible sécheresse sentimentale comme une crème glacée par un été belle gueule au sourire torride.

— Tu m’écoutes ?

Oui, hélas, mes oreilles s’impatientent de retrouver le sein du silence et m’allaiter du velouté de ma tartine de miel par cette nuit qui repose sous le couvercle d’une cocotte-minute… plein feu…

— Je sais que tu m’écoutes.

Je voudrais traire le Temps et boire les heures vanillées sur la plage de sable des amants qui s’aiment jusqu’au cannibalisme …

— Je vais t’accompagner et me faire un chocolat au lait.

Et pourquoi pas un lait de poule ?

— Tu sais, je crois que nous devrions acheter cette maison. Elle nous plaît à tous les deux. Qu’est-ce que tu en penses ?

Je ne pense rien. Si, je pense au mot : berlingot. Le berlingot nantais… toute mon enfance. Elle me manque cette enfance. Quand il est dit : il faut réaliser ses rêves d’enfance … je ne comprends pas ces propos… j’ai réalisé mon enfance … alors que reste-t-il pour l’adulte que je suis ?

— Et puis, il serait temps … je veux un enfant … tu comprends ?

J’ai l’empressement de partir de suite dans une fusée pour la Lune. Une injonction ? J’ai cette intolérance au présent verbe vouloir : « je veux » … « je veux » … si je pouvais l’incorporer dans un béton bien armé jusqu’à la dernière génération de ce monde terrestre …

— Dis-moi, tu crois qu’il va faire de l’orage ?

Il commence à pleuvoir crescendo jusqu’à dru et l’odeur de la terre et du ciel se mélange tel un explosif …

— Mon instinct me dit qu’il serait temps que l’on prenne une vraie décision … tous les deux …

Oui, une première … et une dernière.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Mon sang qui n’a rien de vraiment rouge

Blog oulimots contrainte écriture


Aujourd’hui je m’embarque dans l’un des trente-trois wagons d’un train en partance pour l’inconnu.

J’installe ma modeste personne dans un siège au confort pilote de ligne le café en moins et la perfusion en plus.

J’avoue avoir été condamné pour non respect du code ZE-RT-1.02.4587M

J’assume cette punition.

Je respire à la façon d’une chrysalide et m’endors tel un chat en fin de vie à l’intérieure d’une solitude bien ancrée dans les profondeurs connues de moi seul pour une chair trop froide pour réchauffer un cœur à demi éteint en compagnie du malaise à fleur de bouche que dessinent des lèvres salées au service de larmes en cristal faisant l’écho aux jointures des articulations craquantes et aux grincements de mes frissons intermittents…

Un sautoir de surveillance gère la transition du réel vers l’improbable voyage qui m’attend.

L’injection du produit rugueux perle se mélange à mon sang qui n’a rien de vraiment rouge.

Mon insomnie coutumière s’est diluée au contact de mon ex-angoisse et toutes deux mains dans la main m’ont souri comme un dernier adieu.

La vitesse de mes synapses synthétiques augmente graduellement et s’échauffe à la rencontre des origines qui luttent jusqu’à la perdition de leur substance nutritive de ma conscience.

Les heures diaboliques se débarrassent de mon existence authentique de l’envie qui se fane sur les lobes de mes entrailles et je vomis ma sainte lucidité comme le dernier rempart de mon libre arbitre.

Je reviens à moi lessivé avec un nouveau code d’identification.

Je suis à présent un citoyen… sain.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Une solitude qui se rongeait les ongles


« La première camérière entra »* et ressortit trois heures un quart plus tard allongée sur quatre lames de parquet chêne de premier choix fixées par des lanières de cuir le tout porté par quatre solides gaillards cheveux attachés style queue de cheval et costumés à l’étoffe tartan.

Les pleurs avaient pris les mouchoirs en otages et les toussotements étaient débordés par les élans des regrets de cette défunte charmante et d’agréable compagnie… de son vivant.

Le temps n’avait pas le temps de s’arrêter pour souhaiter bonne chance à l’inspecteur Lô-Tho désigné d’office pour enquêter et qui se frottait la partie la moins accessible du dos avec une baguette (et pas de pain) de bambou qu’il avait acheté quelques jours avant son dernier anniversaire au vide-grenier annuel des Huiles Non-Essentielles.

La cadavre sur la table (et pas à manger) imputrescible de dissection avait une figure reposée pour son âge même si le maquillage de fond s’était délayé sur les joues saillantes, et le menton joliment dessiné à la Huntress.

Le médecin qui était légiste à la morte-saison n’avait pas détecté le moindre indice d’un décès suspect… ce qui était fort… suspect. En effet une personne qui mourait naturellement c’était louche, voire inconvenant même qu’un enterrement en grande pompe (et pas à vélo) se faisait à pied le parapluie de la décence ouvert sur le chapitre « Il fait noir quand l’assassin se lève » (Job -24 -14) ce qui était une humiliation au coefficient 120 pour la famille qui n’avait pas assez de mascara sur les yeux pour planquer sa honte.

Rhi (prénom de Lô-Tho, suivez) faisait le tour de la dépouille bien désencombrer de ses viscères et autres tissus qui riaient jaune à la pointe d’un scalpel tout juste sorti de son blister made in china ce qui en disait long sur cet ustensile qui avait parcouru des milliers de kilomètres en cargo dans une solitude qui se rongeait les ongles et appréciait une délivrance sur un corps qui n’en demandait pas tant.

Le légiste conclut qu’il n’avait pas l’indice d’un empoisonnement même frileux, d’une maladie inflammatoire déprimée, d’un kyste farceur anodin, d’une artère encombrée d’une vie bedonnante, tandis que Lô-Tho convenait en chœur qu’il n’avait pas le moindre soupçon d’un meurtre mesquin ou d’un assassinat à la Romaine, pas le moindre témoin à mettre sous lampe de la vérité, bref un corps intact sous tous rapports. Une déception, un outrage. Il se demandait d’ailleurs si elle était bien morte. Il souleva l’une après l’autre chaque paupière : la lumière était éteinte.

Il déduisit très déçu qu’elle était morte naturellement, et il se déboucha pourtant une bouteille de champagne de 33 cl qu’il partagea avec le légiste à l’humeur d’un mitigeur estival… qu’aux premières bulles glapissantes, il se posa cette ultime question : pourquoi était-elle morte naturellement ?

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

(il n’y aura pas de suite … c’est un coup à s’embourber jusqu’au cou du stylo avec ce genre d’histoire)

* «L’Espagnole anglaise » – Cervantès – page 197

Etretat au romantisme calcaire les pieds dans l’eau

Photographie de Marc Petzold

Agenda Ironique de Mai 2021


« Un bruit étrange et beau » est le titre du livre d’un auteur inconnu de la commune qui a perdu son nom lors du dernier recensement et dont personne ne se souvient.

Le vraisemblable fait grise mine et l’invraisemblable le chahute sur le haut de la falaise d’une Etretat au romantisme calcaire les pieds dans l’eau et le parfum de la tragédie autour du cou.

Une enquête est menée par l’inspecteur Lô-Tho dont les particularités sont de se déplacer en cyclo-pousse et de dévorer tous les midis des crevettes vivantes dans un vivier livré chaque jour à son bureau du troisième étage d’un immeuble de la rue des Han… et à part ça il ressemble au commun des mortels qui prend son p’tit déjeuner sur la tranche de pain grillé qui n’attend pas fébrilement les crocs des dentiers procureurs alimentaires de première nécessité.

L’inspecteur Lô-Tho est un homme pragmatique. Là, est l’un de ses moindres défauts. En effet, il sait prendre de la hauteur et va consulter la prêtresse de l’île de Sein inconnue dans les bottins même le mondain. C’est dire sa renommée dans un milieu restreint qui permet de tenir les promesses des secrets.

Aussi, cette druidesse reçoit avec le sourire son fidèle client dans son antre qui n’a pas vu le jour depuis le dernier déluge de la révolution au sang chaud de trancher à froid dans le vif des sujets. Après les sourires faussés et la politesse dont l’usage s’est égaré dans les méandres de l’infini des Livres Hermétiques dont les clés ont été perdues par distraction, l’inspecteur s’assied en tailleur avec un crayon de bois d’une belle épaisseur d’un pouce d’ogre tandis qu’elle prend position du poirier.

— Quelle est ta question ? Ô Lô-Tho Rhi (Rhi prénom du susdit)
— Le livre sans auteur, quel est l’auteur ?
— Pertinence n’est pas potence et livre n’est pas poids. Telle est ma réponse, Ô Lô-Tho Rhi.
— C’est un peu mince.
— Dites que je suis grosse !!! Ô Lô-Tho Rhi
— Je dis que votre réponse est énigmatique.
— C’est qui l’inspecteur de nous deux ?

La druidesse se repositionne en tailleur (et pas le vêtement) et prend place face à Rhi un tantinet triste et songeur, les deux à la fois sur le même visage ce qui est un exploit que l’inspecteur modeste sait taire.

— En fait, je soupçonne la commune d’avoir fait disparaître l’auteur inconnu pour ne pas être condamnée et ensuite effacer son nom.
— Astucieux, dit la prêtresse en se versant une tisane à Ciboulette des Îles.
— Oui, mais pourquoi la commune ?
— Rends-moi mon crayon au partir quand seuil franchi tu auras.

L’inspecteur prend congé (et pas des vacances) et s’en retourne à son bureau rue des Han.

— Quel est le mobile ? dit-il en lui-même à voix basse, car il sait ne pas être tout seul… avec lui-même.

Après avoir ingurgité le bon millier de crevettes du midi présent, il se lève de son siège, les mains à la mayonnaise encore fraîche, il arpente son humble logis de quelques mètres carrés, quand une lumière naît au fond du couloir de son esprit tortueux.

— « Mais c’est bien sûr » (à la Raymond Souplex pour les puristes) dit-il tout haut devant sa fenêtre fermée par ce beau soleil style beau maître nageur (pléonasme) rieur de bonne santé.

Le dernier recensement des habitants de la commune était tout simplement fictif et l’auteur habitant de cette commune était par effet inconnu et de fait pas de mobile !

L’inspecteur jubile et ouvre séance tenante une bouteille de champagne 33 cl. Mais au premier glouglou dans le gosier, il s’interroge : mais alors, pourquoi le livre est-il paru ?

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

(il n’y aura pas de suite … c’est une histoire à s’embourber jusqu’au cou du stylo)

Une savonnette bien blonde a tous les coins des angles

Photographie Norbert Liesz

Blog Émilie : récolte 21.07


… quand le savon commence à comprendre que tout le monde s’en lave les mains, il se dit qu’il est temps pour lui de prendre la tangente.

Après avoir été douché plusieurs fois pour des évasions … loupées, il se dit qu’il n’est pas prêt à sabrer le champagne sur la plage de galets de ses rêves et de finir ivre de contentement en compagnie d’une savonnette bien blonde a tous les coins des angles de sa beauté éclairante de promesse.

Aussi il réfléchit à un stratagème à défaut d’écrire par bulles devant la glace toujours de marbre avant qu’il ne finisse à éclater de regrets (à défaut de rire) pour disparaître à jamais comme peau de chagrin.

Son intérieur bouillonne d’idées comme un envol sur la piste de rinçage/polissage après baignade et jeux dans la piscine privée ou de faire croire à la lingère qu’il n’est pas consommable pour sa peau de tendre quadragénaire en devenir d’un nouvel amour à repasser avec le valet de chambre homme de bonnes mœurs.

Il cogite ainsi dans son lit douillet nommé porte-savon quand un léger soubresaut d’une pensée l’éclaire de mille LED effervescentes et qu’apparaît l’image de ses cousins de Marseille embobineurs tchatcheurs à la galéjade en porte-voix interfèrent en voix-off :

— Allô ! Allô ! Allôôôôôôôô !!! ici le porte-savons général de Marseille …
— Allô ! Allô … ici porte-savon cousin … je suis en perdition …
— Ta position ?
— De latitude Pli-En-Deux, de longitude 2-4-ZR-0
— Bonne mère, t’es chez des bourgeois hygiénistes …
— Ma sécurité n’est plus assurée cousin …
— Hélas, oui … tu vas être définitivement lessivé …
— Mon rêve était de couler des jours heureux …
— Tu n’es pas dans la bonne case pour coincer la bulle … fin de transmission …

Il comprend qu’il est dans la mousse (et pas en chocolat) jusque là et même au-delà d’ici et son air des bons jours disparaît au sourire de sa destinée qui lui a savonné la planche et pas de surf pour s’encanailler à la Pointe de l’Aiguille … et aucune armure de papier pour le protéger. Non aucune.

Alors … il décide de s’auto-savonner … pour en finir.

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

Je suis en pyjama …

Henri Matisse – La conversation – 1908

Agenda Ironique d’Avril 2021 – (hors délai)


— Alors ?
— Quoi, alors ?
— Les mains dans les poches !
— Je suis en pyjama…
— Qu’importe, tu es chez moi …
— Mon défunt père me disait, très justement, à propos d’une voisine acariâtre : « cause toujours, tu m’intéresses ».
— Je ne suis pas une voisine mais ta femme !
— On ne gagne pas à tous les coups…
— Tu me provoques ?
— C’est le destin qui un jour m’a convoqué pour te rencontrer…
— Tu es ignoble !
— Non, fatigué tout simplement …
— Ton lit t’attend.
— Oui, mon lit, mes rêves, ma nuit, et puis mon journal du matin … et toi, ma femme, qui n’attend plus rien…
— J’attends que tu quittes mon champ de vision.
— Pour une fois que je voulais te dire : bonsoir …
— Je ne te demande rien …
— C’est vrai … et pourtant …
— Et pourtant ?
— Pourquoi me gardes-tu ?
— Peut-être parce que tu fais partie… des meubles…
— Te voilà sentimentale ? Belle confidence …
— Et toi … pourquoi restes-tu avec moi ?
— J’ai le gîte, le couvert, l’argent de poche, quelques menus plaisirs …
— Nous sommes lâches …
— Non, nous sommes … indécents …

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

La poésie en sac à dos elle chante une ballade

Photographie Camille DAR

Challenge Lune et des participants


57/57

…césure coupée du monde s’est embarquée seule pour l’Océan des Tempêtes la poésie en sac à dos elle chante une ballade à la partition des vents racoleurs soutenus par des nuages singulièrement lunatiques avant son passage initiatique et devenir… une Sirène…

© Max-Louis MARCETTEAU 2021


Ce challenge sur la Lune est terminé. J’avais idée d’écrire depuis une vingtaine d’années sur ce satellite et aujourd’hui la chose est faite. Et, la deuxième idée est de rassembler les textes pour une édition. (auto-édition pour être précis).

Cependant, suite à une contribution active, et aussi ponctuelle, de participantes et participants, (voir l’ensemble des commentaires du Challenge Lune) je souhaite intégrer leurs commentaires à ce futur livre avec leur autorisation, bien sûre. Et, cerise sur le gâteau, j’offre gratuitement un exemplaire, à qui le souhaite.

Voici la liste des contributrices et contributeurs :

DomiGeckoGibulèneJoFirenz’lyssamaraJohn DuffPatrick BlanchonHypergolCarnetsparesseuxroijoyeuxtoutloperaoupresque655890715

P.S. : si à l’occasion vous connaissez une illustratice.eur pour agrémenter chacun de mes 57 textes, faites-le-moi savoir par commentaire. Bien sûr … je paie … raisonnablement 🙂