Au bord de l’eau sur un reflet tout neuf

Photographie Martijn Akse

Blog Émilie : récolte 21.06


J’ai voulu l’accompagner. Elle a dit non. Ce non dans sa bouche raisonne en moi tous les mardis matin à 10h24, l’heure de la signature de l’acte de séparation définitive.

Divorcer n’est pas rien. C’est un tout qui ne laisse rien au hasard. A tout prendre, il ne faudrait rien promettre. Promettre c’est s’engager et s’engager s’est signer un accord … deux accords pour cloisonner le couple.

Aujourd’hui, je maîtrise ma vie… ce qu’il en reste. Ce reste est le fait de la division de nos entités ennuyeuses au milieu d’autres entités assommantes. Et pas un enfant pour solde de tout compte.

Il est mardi matin et je soigne mon oubli au bord de la rivière en compagnie d’une canne à pêche qui semble s’ennuyer au bout de la ligne comme moi au bout du compte.

La canalisation de mes sentiments est une fracture ouverte et j’ai placé une fausse barrière pour la soigner même si je fais semblant de mettre tout en œuvre pour la réparer.

Je souffre à distance. Et rien n’arrêtera cette souffrance. J’en prends soin à la nourrir. Ce lien entre elle et moi nous permet de tenir les longues heures de l’ennui qui nous soutiennent avec ferveur.

Rompre, n’est pas à l’ordre du jour. Jamais. Et me voilà à sourire au bord de l’eau sur un reflet tout neuf qui me fait partager ce moment d’union.

Et voilà que surgit un ornithorynque à la frontière de mon territoire de pêcheur. Et je lui crie :

— Tu vas filer ? hein ! … au trot ! …. animal fumeux… diabolique… tu ressembles bien à mon ex-femme

© Max-Louis MARCETTEAU 2021

34 réflexions sur “Au bord de l’eau sur un reflet tout neuf

  1. Comme Marinade d’espoir et Pas de catch ce soir, et certainement suivies par moulte gallinacés (qu’elles ne sont pas), veuillez agréer, cher Iotop, ma lecture amusée et l’assurance que votre chute ne m’les a pas brisés* !
    🙂
    * d’abord parce que je n’en ai pas et ensuite pour mon rire aux éclats

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  2. J’éprouve une grande compassion pour les cannes à pêche qui s’ennuient. Point à la ligne.
    Est-ce que ça a marché pour l’ornithorynque ? Il est parti ? Moi j’ai toujours rêvé d’en rencontrer un, toi tu as cette chance et tu le chasses. Nous n’habitons pas tous les bords de la rivière de la même façon…
    (joli texte que celui-ci, merci de ce partage)

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    • Bon jour Florence,
      Au départ on est séduit par l’animal qui est hors du commun et puis le temps passe par le sablier stoïque et la rivière change de regard … 🙂
      Merci de tes mots, passage et compliment 🙂
      Bonne journée à toi.
      Max-Louis

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      • A l’ère et la rivière de l’hyperconsommation, la banalisation est dans l’air du temps et le regard porté change à la vitesse grand V. L’hors-du-commun, passé au moulin-sablier des pixels stoïques, semble perdre alors tout son intérêt.
        Quand la temporalité m’oblige à être DANS mon temps, j’exerce mon esprit à ne pas être DE mon temps. Afin de pouvoir apprécier les ornithorynques, tatous, et autres siréniens
        longtemps…
        Bon week-end

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  5. je m’apitoyais sur ton sort, triste et mélancolique au bord de la rivière mais quand j’ai su à quoi ressemblait ton ex femme…alors là, plus de pitié. Passe donc du lundi au mercredi sans t’attarder sur ce mardi qui te gâche la semaine ! 😀 C’est pourtant facile. Hop, à pieds joints.

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  6. Qui sait ?
    « Ornithorynque » , au fil du temps, finira peut-être par être une insulte…

    En attendant, j’aime bien ton style…très personnel.

    Et tout particulièrement ce passage :

    « La canalisation de mes sentiments est une fracture ouverte et j’ai placé une fausse barrière pour la soigner même si je fais semblant de mettre tout en œuvre pour la réparer. »

    Je pense qu’un psychanalyste trouverait beaucoup à dire…
    mais nous allons rester sur le plan littéraire…et apprécier…
    l’image. 🙂

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    • Bon jour,
      Le mot : « Ornithorynque » est une insulte selon « L’intégrale des jurons du Capitaine haddock » d’Albert Algoud – Casterman – 2004.
      « ton style…très personnel » j’aime que cela soit 🙂
      « Je pense qu’un psychanalyste trouverait beaucoup à dire… », c’est de la fiction, hein ? 🙂
      Merci de tes mots et passage et compliments 🙂
      Max-Louis

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